Lettre ouverte à Test Achats : l'autre moitié de l'histoire des déchets sauvages

24.03.2018

Fevia réagit à la lettre ouverte de Simon November, porte-parole de Test Achats, parue le vendredi 23 mars dans Le Soir.

Cher Simon,

Nous partageons clairement la préoccupation de s’attaquer au problème des déchets sauvages. Et ce, à juste titre, parce que, tant les consommateurs que défend votre employeur, que les entreprises que nous représentons souffrent de cette problématique. Il est également clair que nous ne sommes pas d'accord sur la façon dont notre pays devrait s'attaquer à ce problème des déchets sauvages. Vous êtes personnellement en faveur de la consigne et c'est bien sûr votre droit. Il est également de votre droit de mettre en place une campagne bien orchestrée avec la Statiegeld Alliantie et de vous adresser aux bourgmestres. Le hic est que vous ne leur racontez que la moitié de l’histoire. Il est donc de notre droit de la compléter ... .

Les chiffres sur lesquels vous vous basez ne proviennent pas, selon les règles de l'art, d’un bureau de recherche indépendant mais de Test Achats-même. Lorsque vous indiquez d'abord que les déchets sauvages sont un problème et que la consigne est une solution aux déchets sauvages, il n’est pas étonnant que la plupart des gens sont ouverts à une telle solution. Surtout si vous « oubliez » de mentionner que le système leur ôtera le confort du sac bleu (un système que vous définissez comme un « système qui fonctionne bien »).

Vous ne racontez également que la moitié de l’histoire sur le coût du comportement antisocial de certaines personnes. Ce sont 155 millions d’euros que coûte le nettoyage de nos communes, un paquet d'argent ! Mais pourquoi donc omettre de mentionner le prix de votre cher système de consigne ? Nous avons également fait une étude et il en ressort clairement que le coût d'un système de consigne propulsera les prix vers le haut. Les consommateurs sont-ils disposés à payer ces coûts supplémentaires ? On en doute. De plus, nos recherches démontrent que des produits plus chers entraîneront surtout plus d'achats transfrontaliers. Et qu'en est-il des emballages des produits que les belges achètent de l’autre côté de la frontière et pour lesquels ils ne paient pas de consigne ?

Nous allons également raconter toute l'histoire sur l'impact budgétaire de la consigne pour les communes. Même si nous ne sommes pas d’accord sur les chiffres exacts, nous sommes au moins d’accord sur le fait que les canettes et les bouteilles en plastique ne constituent qu’une minorité des déchets sauvages. Alors ne menons pas les bourgmestres en bateau: les coûts de nettoyage des déchets sauvages ne diminueront pas drastiquement grâce à la consigne. Les équipes de nettoyage continueront à entrer en action pour nettoyer les nombreux mégots de cigarette, autres emballages, papiers, mouchoirs, crottes de chien, déchets encombrants,... etc. Les communes continueront à payer vu l'absence d'une solution globale.

Pour être tout à fait clair : nous n'avons rien contre la consigne. Cela peut vous sembler surprenant, mais nous croyons aisément que la consigne pourrait fonctionner dans certains pays. Des pays sans sac bleu par exemple. Ou des pays comme l'Allemagne où les achats transfrontaliers ne sont pas un défi et où les personnes âgées qui ne touchent qu’une petite pension ramassent les canettes pour joindre les deux bouts. Le fait est que nous vivons en Belgique, un pays avec des défis spécifiques et un sac bleu qui fonctionne bien (vos propres mots !). Ici il s’agit d’appliquer ce que nous faisons si bien à la maison - à savoir trier et recycler les emballages – également sur la route.

Votre réponse à ceci est qu’au fond rien ne change. Mais ici aussi, cher Simon, vous ne racontez que la moitié de l’histoire. En effet, nous continuons à miser sur la sensibilisation et, en effet : seule la sensibilisation est insuffisante. Nous en avons d’ailleurs tiré nos leçons. C'est la raison pour laquelle nous avons investi plusieurs millions dans les Mooimakers en Flandre et BeWapp en Wallonie depuis 2 ans. Leur approche va bien au-delà de la sensibilisation et met également en place des infrastructures (plus de poubelles) et mise sur l'application de la loi. « La semaine de la sanction » organisée par les Mooimakers en Flandre a donné un signal fort, ceux qui ne respectent pas le domaine public ne s’en sortiront pas impunément. Vous trouvez, sans aucun doute, que la décision du ministre Schauvliege d'augmenter les SAC (Sanctions Administratives Communales) pour ceux qui causent des déchets sauvages est une bonne chose ?

Les Mooimakers installent maintenant des caméras qui prennent les gens en flagrant délit. Un de nos collègues a vu cette semaine encore la grande nécessité de cette mesure. En attendant aux feux à un carrefour très fréquenté, notre collègue voit une dame déposer deux grands sacs poubelle sur le bord de la route. Cette dame a agi en plein jour et apparemment sans aucune gêne. Lorsque notre collègue l’interpelle, la dame répond sèchement par un simple « et alors ? ». Le même jour, ce même collègue coincé dans un embouteillage voit le conducteur de la voiture devant lui lancer sa cigarette à moitié consommée sur la route. A nouveau : sans aucune gêne et en plein jour. Ce genre de comportement antisocial est une réalité que nous ne pouvons accepter mais qui ne se résoudra pas grâce à la consigne.

Vous direz sans doute que les Mooimakers ne pourront pas non plus arrêter cette dame aujourd'hui ? Peut-être pas aujourd'hui, mais quand nous aurons réussi à apporter un changement de mentalité, à augmenter la prise sur le fait et à offrir des alternatives ; alors peut-être que oui. Comment pouvons-nous encore mieux faire ? Nous aimerions y réfléchir ensemble. Soyons plus ambitieux que proposer une demie-solution à court terme et cherchons une vraie solution, même si cela prend un peu plus de temps.