50 nuances de protectionnisme

08.11.2019

Nous sommes mondialement réputés pour nos délicieux produits alimentaires et nos boissons, mais pour combien de temps ? Ces dernières années, le monde semble être sous l’emprise du protectionnisme : l’embargo de Poutine, les conflits commerciaux de Trump, les taxes colombiennes sur nos frites surgelées, sans oublier les formes de protectionnisme bien dissimulées près de chez nous. De plus, le protectionnisme existe sous plusieurs formes. Malheureusement, celles-ci menacent de toucher nos exportations, le moteur de notre croissance. Que se passe-t-il ? 

Le protectionnisme et le populisme vont souvent de pair. Les pays protègent leur propre marché afin de veiller à leur propre économie et leurs emplois. Trump le fait de manière très ouverte et de nombreux pays agissent de même, mais de manière dissimulée, explique Carole Dembour, Economic Advisor chez Fevia. « C’est une mauvaise nouvelle pour nos entreprises alimentaires. » L’exportation est le moteur de notre croissance, et représente 27,6 milliards d’euros de notre chiffre d'affaires. Dans un même temps, les exportations créent des emplois dans notre propre pays et nous offrent des opportunités d’investissement et donc d’innovation.

D’Afrique en Amérique

Après l’Afrique du Sud et le Brésil, le gouvernement colombien a récemment décidé d’imposer des taxes à l’importation sur les frites surgelées en provenance d’Europe. Prétendument en reponse aux pratiques de dumping illicites, mais en réalité il s’agit d’une tentative de protection de ses propres produits contre la concurrence qui produit de manière plus efficace. Outre les Pays-Bas et la France, le secteur belge des pommes de terre est aussi visé.

Romain Cools de Belgapom, la fédération de la transformation et négoce en pommes de terre, explique : « Les services de la Commissaire Malmström ont constaté, sur la base d’une analyse du dossier anti-dumping colombien, qu’il n’est pas question de pratiques de dumping. Malheureusement, les autorités colombiennes ont refusé de retirer leurs taxes antidumping indûment imposées. La Commission européenne a dès lors porté l’affaire devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le secteur espère que la réaction immédiate de la Commission mettra un terme à un effet domino qui porte atteinte à la crédibilité du secteur de la transformation de la pomme de terre et à la position concurrentielle sur nos marchés. »

De plus, depuis l’épidémie de la peste porcine africaine, l’exportation de la viande porcine belge se heurte à des frontières fermées. Pas moins de 25 pays ont imposé un embargo. Ce sont principalement les pays asiatiques qui ferment leurs frontières à la viande porcine. Et malheureusement, d’autres motifs n’ayant aucun rapport avec la santé animale se cachent derrière ces embargos. Chaque mois au cours duquel le secteur de la viande porcine belge ne peut exporter de manière habituelle, représente un coût de 22,42 millions d’euros en moyenne pour le secteur.

Entre-temps, l’Inde, le Vietnam et récemment l’Indonésie ont levé leur embargo. À ce stade, le ministre fédéral de l’agriculture, Denis Ducarme, tente également d’ouvrir le marché sud-coréen. Le paradoxe est que le pays se ferme à l’importation de la viande porcine belge. Et ce, alors que les élevages porcins sud-coréens sont aussi touchés par la peste porcine africaine et appellent à continuer d’exporter leur viande porcine en provenance de régions épargnées. 

Protectionnisme dissimulé

Le protectionnisme se fait aussi ressentir plus près de chez nous. Pensez notamment à l’expérience française de l’étiquetage d'origine obligatoire sur les produits laitiers et à base de viande comme ingrédient dans les produits alimentaires. Dans ce cas, il s’avère que le protectionnisme n’est pas toujours nuancé, mais qu’il se trouve souvent dans une zone grise. Les Français affirment qu’avec cette mesure, ils souhaitent créer plus de transparence pour les consommateurs, mais en réalité ils veillent à protéger leurs propres agriculteurs au détriment des produits étrangers en particulier. Lisez en plus ici sur cette forme de protectionnisme « gris ».

Et n’oublions pas l’épuisant Brexit imminent. Le slogan « Take back control » ne laisse rien à l’imagination. Si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne sans accord, 15 % des produits alimentaires et boissons seront soumis à une taxe de 23,7 % en moyenne. Le Royaume-Uni est le 4ème principal marché d’exportation pour l’industrie alimentaire belge. En 2018, les entreprises alimentaires belges ont exporté pour un montant de 2,2 milliards d’euros en alimentation et boissons à destination du Royaume-Uni.

Plaider en faveur d’une politique commerciale équitable et ouverte

Il est clair que le protectionnisme se présente à différents degrés. Une petite économie ouverte telle que la Belgique est dès lors menacée de payer les pots cassés. Bart Buysse, CEO de Fevia, déclare : « Fermer nos propres frontières est contraire au marché unique européen. Nous plaidons pour renforcer à nouveau la confiance dans l’Europe et dans les accords commerciaux. Ensemble avec nos secteurs, nous entamons le dialogue avec les responsables politiques nationaux et européens. Notre message est clair : nous ne devons et ne pouvons accepter le protectionnisme. »

Au niveau européen, il semble y avoir du mouvement dans le dossier concernant les mesures antidumping injustifiées sur les frites surgelées. Le Parlement européen et la Commission européenne ont récemment annoncé qu’ils allaient introduire une plainte auprès de l’OMC. Et l’Europe reste bien évidemment plongée dans le Brexit. Pour nos entreprises, un no-deal Brexit est le pire cas de figure. Fevia continue dès lors à plaider pour un accord négocié, même si ce dernier signifie un nouveau report. 

Non seulement notre secteur, mais aussi toute la Belgique et l’Europe, voire même le monde entier, tireraient profit d’une politique commerciale équitable et ouverte où les producteurs peuvent jouer sur leurs forces. L’industrie alimentaire belge le fait par le biais de la marque de promotion « Food.be – Small country. Great food. ». Une politique commerciale protectionniste est tout simplement néfaste pour la croissance du commerce mondial. Soulignons donc plus que jamais les avantages du libre-échange et des frontières ouvertes.

Consultez notre guide sur le Brexit pour rester au courant des dernières évolutions