Comment les consommateurs belges perçoivent-ils l'alimentation locale ?

27.04.2023

Le VLAM a déclaré le mois de mai comme le « mois de l'alimentation locale ». Le Centre flamand pour la promotion des produits agricoles et de la pêche (VLAM) met nos produits locaux à l'honneur ce mois-ci. Mais quel est l'état de cette alimentation locale : qu'est-ce qui la distingue et comment les consommateurs la perçoivent-ils ? Dans cet article, nous laissons Filip Fontaine, CEO du VLAM, nous parler des préférences des consommateurs flamands. Philippe Mattart, directeur général de l'agence wallonne pour la promotion d'une agriculture de qualité Apaq-W, aborde quant à lui les tendances wallonnes. 

Le VLAM et vous-même avez choisi le mois de mai comme mois de l'alimentation locale. Pourquoi une telle initiative flamande ? 

Filip : « Nous disposons du système alimentaire le plus performant au monde. La Flandre est qualitativement la meilleure région gastronomique du monde, il n'est donc pas surprenant que nous en tirions parti. »

 

Quels sont les initiatives prises en Wallonie dans le cadre l’alimentation locale ?  

Philippe : « Chez Apaq-W nous travaillons sur le niveau du marché, nous essayons sensibiliser le consommateur à la nécessité de manger local, de privilégier la durabilité et la saisonnalité. On invite le consommateur à consommer aussi avec ses valeurs, de privilégier des produits qui proviennent de cette agriculture plus extensive, qui est liée au sol plutôt que de consommer des produits qui viennent d’ailleurs, qui sont importés. »

Qu'est-ce qui caractérise l’alimentation belge ?  

Filip : « La qualité, la sécurité alimentaire, les méthodes de production, l'efficacité, l'utilisation des terres et de l'eau. Nous gérons beaucoup mieux l'énergie, le bien-être animal est bien classé dans ce domaine, ce qui fait que l'ensemble de l'encadrement et des produits sont de grande qualité et se caractérisent par un haut degré d'artisanat. »

Philippe : « L’alimentation wallonne est fondée sur une production qui est liée au sol. On a une agriculture et production alimentaire qui reposent sur les productions de la qualité globalement. »

Que pensent les consommateurs belges de l'alimentation locale ?  

Filip : « Nous avons mené de nombreuses recherches sur la manière dont les consommateurs flamands perçoivent l'alimentation locale, et nous avons constaté que 70 à 75 % d'entre eux sont vraiment fiers de ce qui est fabriqué ici, en Belgique, et cela concerne aussi bien les produits agricoles purs que les produits transformés. 70 % des Belges pensent même que nous ne devrions plus importer les produits que nous fabriquons en Belgique, et que nous devrions donc maximiser nos efforts en matière d'alimentation locale. »

Philippe  : « Tout d’abord, le consommateur est intéressé par le prix des aliments, et ensuite par la durabilité et l’effet engendré par le fait de consommer des aliments de qualité. On retrouve quand même globalement la qualité, la fiabilité et la traçabilité des aliments. Donc beaucoup de consommateurs s’intéressent aux produits locaux. »

Constatez-vous une augmentation de la consommation d'aliments locaux ?  

Filip : « Nous constatons à tout le moins une intention d'acheter local. La volonté est là. Pendant la période Covid, nous avons vraiment atteint un sommet en termes de volonté d'acheter des produits nationaux. Si l'on exclut l'effet Covid, la consommation d'aliments locaux augmente légèrement par rapport à la période précédant la pandémie. Si l'on se penche sur l'alimentation durable, qui n'est pas synonyme d'alimentation locale, on constate très rapidement qu'avec l'inflation actuelle, elle subit une légère pression. »

Philippe  : « Pendant la crise du covid, on a constaté une forte augmentation de la consommation des produits locaux. Malheureusement, dans le suivi on a constaté une diminution de la consommation de produits locaux due à la crise. Il y a en effet ce qu’on appelle ‘downtrading’, le fait que le consommateur préfère acheter les produits qui ne sont pas chers et qu’il achète dans les magasins de hard discount plutôt que chez les producteurs locaux. Et ça, c’est essentiellement lié au pouvoir d’achat de consommateurs qui a diminué. »

« La tendance est sans appel : nous nous dirigeons à l'avenir vers une alimentation qui se veut honnête, sincère et normale. »

Filip Fontaine, CEO VLAM

Quelles tendances remarquez-vous en termes de consommation d'aliments locaux ? 

Filip : « 80 % des Flamands expriment leur intention d’opter de plus en plus souvent pour de l’alimentation locale. Quand on se penche sur les critères d'achat, on constate que 90 % des consommateurs accordent de l'importance au goût et 85 % à la fraîcheur. La date de conservation, l'odeur et le prix sont ex æquo et atteigna-ent environ 80 %. Le prix se trouve donc dans le top 5, mais le goût et la fraîcheur sont plus importants. 70 à 80 % des Flamands affirment qu’à l'avenir, ils aimeraient se tourner davantage vers des plats classiques ainsi que vers des plats et des ingrédients purs. La tendance est sans appel : nous nous dirigeons à l'avenir vers une alimentation qui se veut honnête, sincère et normale. Et nous y répondons avec les recettes Bien de chez nous. »

Philippe  : « On voit que le consommateur s’intéresse vraiment plus en plus aux produits locaux, à la durabilité, mais dans ces actes de consommation, on constate que le prix a une grande importance et que dans une situation où le pouvoir d’achat est affaibli, le consommateur fait le choix de consommer moins local. Donc, ce qu’on doit faire c’est alluder aussi le consommateur à se tourner vers des produits qui, contrairement à ce qu’il peut croire, ne sont pas forcément plus chers. » 

Les consommateurs belges sont-ils plus chauvins que ceux des autres pays ?  

Filip : « On dit généralement que nous sommes moins chauvins et que nous ne sommes pas tout à fait à la hauteur des pays étrangers à ce niveau. Ce que nous remarquons, c'est qu'il y a à l'étranger un engagement beaucoup plus flagrant en faveur du local. Les magasins français, allemands et anglais insistent beaucoup plus pour en faire la promotion. Dans ces pays, le local est devenu un label de qualité, qui donne en quelque sorte envie d’acheter, et cela est clairement indiqué sur l'emballage. Je pense qu'ils ont bien examiné leurs chiffres de vente là-bas, et qu'il est grand temps qu'ils fassent de même ici. »

Philippe  : « Je pense que les consommateurs belges ne sont pas encore suffisamment chauvins. Par exemple, on n’a qu’une petite dizaine de ‘streekproducten’ en Wallonie, mais en France, il y en a 400. Puis, il y a des centaines indications géographiques protégées en France. Je pense qu’on doit continuer ce travail pour améliorer l’identité des produits et la différenciation des produits. On doit vraiment donner envie au consommateur d’être plus chauvin. » 

 

 

« On doit vraiment donner envie au consommateur d’être plus chauvin. »

Philippe Mattart, Directeur générale Apaq-W

Pourquoi les consommateurs devraient-ils acheter local ?  

Filip : « Tout d’abord, il s'agit du meilleur produit que vous puissiez acheter sur le plan qualitatif. Et deuxièmement, vous soutenez l'économie et les entreprises locales et, par conséquent, votre propre tissu social. Un prix juste est également l'une des raisons pour lesquelles de nombreux consommateurs achètent local, mais seulement 15 % des Flamands pensent que les agriculteurs sont correctement rémunérés et qu'ils devraient donc gagner plus. »

Philippe  : « Il est important d’acheter local pour plusieurs raisons. Premièrement : il ne faut pas oublier que notre agriculture, c’est la moitié du territoire wallon.  Il est donc vraiment important de conserver un dynamisme économique. Deuxièmement : l’alimentation locale contribue aux enjeux  climatiques. Troisièmement : l’argument de la confiance. Quand les consommateurs consomment local, ils savent qu’il y a de la qualité, de la traçabilité et ils peuvent avoir confiance en ce qu’il mange. »

Quels changements nous attendent dans les 10 à 15 prochaines années ?  

Filip : « Nous n'avons jamais produit autant de nourriture, aussi bonne, aussi sûre et aussi bon marché. Mais je pense que cette abondance et ces bas prix vont s’amenuiser petit à petit et que ce sera ça, la grande innovation. Le deuxième grand changement est le passage d'un marché mondial à un marché plus local. »

Philippe  : « Je pense que les consommateurs vont de plus en plus s’intéresser au fait de créer un pont entre leur consommation et la qualité et l’environnement. Je pense qu’il y a aujourd’hui des opportunités qui sont importantes, comme lier l’alimentaire aux impératifs concernant la durabilité et l’environnement. Autre opportunité : le fait que le consommateur soit de plus en plus intéressé par la qualité et par les produits qui existent en Belgique, mais pas suffisamment, comme la viande d’agneau. Donc il y a des filières qui peuvent se développer si on investit. »

Quelles sont les opportunités qui s'offrent aux entreprises alimentaires belges à l'avenir ?  

Filip : « 60 à 70 % des consommateurs préfèrent les produits fabriqués chez nous. Voici mon conseil : essayez de consacrer le maximum d'efforts à ces produits locaux et faites-le clairement savoir aux consommateurs. Par exemple, Jo Brouns nous a donné les moyens de mieux mettre en avant les produits locaux auprès des transformateurs. À long terme, l'externalisation de la production à l'étranger ne me semble pas être une bonne idée. La moitié des consommateurs pensent que le pays d'origine est important, et je considère qu’il faut donc réfléchir de manière stratégique à cette thématique. »

Philippe : « Je pense qu’il est important de tabler sur l’innovation. Il y a vraiment des productions qui ne sont pas encore suffisamment développées. Il y a beaucoup d’opportunités pour permettre une meilleure autosuffisance, pour l’ensemble des productions en Belgique de manière générale. Ensuite, il est important d’investir dans un marketing de la qualité, qui insiste sur la différenciation. Je pense que les consommateurs sont sensibles aux valeurs qu’ils vont apporter auxproduits. La durabilité, la différence, la qualité, l’origine locale, ce sont des choses que le consommateur apprécie. Il faut vraiment travailler sur la proximité, sur les circuits courts, sur l’identification de la filière et sur le fait qu’elle soit locale, qu’elle respecte des impératifs de durabilité et de qualité. »