Johan Hallaert (Fevia) links en Herman Diricks (FAVV) rechts
16.06.2025 Actualité

« La sécurité alimentaire est le fruit de longues années de collaboration, de confiance et d'innovation »

Saviez-vous que l'alimentation belge est l'une des plus sûres au monde ? Grâce au système d’autocontrôle unique en Belgique, notre pays a depuis des années une longueur d'avance en matière de sécurité alimentaire. Nous nous sommes entretenus avec Herman Diricks, Administrateur délégué sortant de l’AFSCA, et Johan Hallaert, Senior Food Policy Advisor chez Fevia. Retour sur 25 ans de collaboration et perspectives sur la manière dont la technologie, telle que l’IA, peut renforcer la sécurité alimentaire de demain.

Herman Diricks van het FAVV (links) en Johan Hallaert van Fevia (rechts)

Bienvenue Herman et Johan. Vous vous connaissez depuis aussi longtemps que l’AFSCA existe. Herman, que considérez-vous comme les plus grandes réalisations de l’AFSCA depuis sa création ?

Herman : « Après la crise de la dioxine, quatre organisations, qui se méfiaient les unes des autres, ont été amenées à fusionner pour donner naissance à l'AFSCA. En l'espace de deux ans, sa structure définitive a été mise en place, suivie plus tard d'un système de financement transparent. Depuis lors, nous avons franchi des étapes importantes. L’AFSCA est aujourd’hui une organisation mature dotée d'un système de contrôle unique en Europe. »

Comment cela se traduit-il sur le terrain ?

Herman : « Nos inspecteurs travaillent avec des outils objectifs, comme des check-lists et un système de points. Cela nous permet d’assurer des contrôles uniformes et transparents. Une telle approche inspire confiance, également à l’échelle internationale. Les entreprises alimentaires peuvent optimiser leurs processus en fonction d’exigences clairement établies et des marchés ciblés.  

Avec ses ports, la Belgique est une porte d'entrée importante vers l'Europe et au-delà. Une collaboration étroite entre l'AFSCA et les autorités étrangères est essentielle. Nous garantissons ainsi un commerce alimentaire sûr et efficace, nous protégeons le consommateur et nous soutenons en même temps les exportations des entreprises alimentaires belges.  

L'accord commercial avec la Chine en est un bel exemple. Certains produits chinois ont accès au marché européen sur la base de paramètres définis. En échange, nous exportons des parties du porc qui sont moins consommées chez nous - comme les pattes et les oreilles - mais qui sont considérées comme un mets raffiné en Chine. »

L'alimentation belge compte parmi les plus sûres au monde. Herman, auriez-vous des données chiffrées pour étayer cela ?

Herman : « Lors de nos contrôles en 2024, nous avons prélevé 67 592 échantillons, dont 98 % étaient conformes. C’est un beau résultat, car 100 % de conformité est impossible à atteindre. »

Herman Diricks (FAVV): “Tijdens onze controles in 2024 namen we 67.592 monsters af, waarvan 98% conform de regels zijn. Dat is een mooi getal, want 100% conformiteit ga je nooit vinden.”

Johan, pourquoi la Belgique a-t-elle une longueur d’avance en matière de sécurité alimentaire ?

Johan : « C’est grâce au système d’autocontrôle validé. L’autocontrôle est l'un des piliers de la politique européenne de sécurité alimentaire. Toutes les entreprises de la chaîne alimentaire sont tenues de mettre en place et d’entretenir un tel système.

Pour renforcer encore la sécurité alimentaire, la Belgique va plus loin, conséquence directe de la crise de la dioxine : les entreprises peuvent sur base volontaire faire valider leur système d'autocontrôle par un organisme externe. Dans ce cadre, l'AFSCA ou un organisme de certification reconnu vérifie si l’ensemble de la législation portant sur la sécurité alimentaire est correctement appliquée. Chaque secteur dispose à cet effet de son propre guide sectoriel. »

Quels sont les avantages d'un système d’autocontrôle validé ?

Johan : « Les entreprises disposant d'un système d'autocontrôle (SAC) validé obtiennent de bien meilleurs résultats lors des contrôles de l’AFSCA. 83 % d’entre elles ne reçoivent aucune remarque. C’est 16 % de plus que les entreprises qui n'ont pas de système validé. Non seulement elles reçoivent moins d'avertissements et de procès-verbaux, mais le risque d'une sanction sévère est presque divisé par deux : de 7,3 à 3,2 %. 

La validation de votre SAC est donc un réel atout, tant en termes de respect des obligations réglementaires que de limitation des risques. En outre, ces entreprises ont moins de contrôles et bénéficient d'une réduction importante de la cotisation à l’AFSCA. Deux bonnes raisons de plus de faire valider leur système d'autocontrôle ! »

L’AFSCA est pionnière en matière de surveillance de la sécurité alimentaire européenne : êtes-vous prêts à relever les défis à venir à l'aide de la technologie ?

Herman : « Tant les autorités que les entreprises alimentaires investissent massivement dans la sécurité alimentaire. Nous sommes à la veille d'une révolution technologique. Pensons à des applications comme l'intelligence artificielle, qui nous permettra d'évaluer les risques plus rapidement et avec plus de précision que jamais.

Alors que nous avions l’habitude de réaliser des analyses a posteriori à partir d’échantillons ou de badges, nous serons bientôt en mesure de collecter des données en temps réel. Grâce à des capteurs, des caméras et des analyses intelligentes, nous pourrons, par exemple, inspecter des carcasses automatiquement. Nous nous dirigeons vers un système de contrôle plus efficace et au moins aussi fiable que celui d'un vétérinaire. »

Quelles sont les conditions nécessaires pour mettre réellement en œuvre cette technologie ?

Herman : « Le progrès demande à la fois une capacité d'investissement et une législation adaptée. La technologie est là, mais l’Europe doit dans le même temps faire évoluer ses réglementations. Sans cela, nous ne pourrons pas utiliser ces outils, même s'ils sont plus sûrs ou plus efficaces. Dans les pays scandinaves, par exemple, certains contrôles ont déjà lieu à distance au moyen de caméras. La prochaine étape sera d'analyser ces images avec l’IA. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est à notre portée. Il faut surtout éviter de rester à la traîne en Europe. 

Si nous n'y prenons pas garde, nous nous retrouverons avec un handicap technologique qui représentera également un handicap concurrentiel. La responsabilité ne repose pas uniquement sur les entreprises. Les autorités doivent également disposer de moyens suffisants pour intégrer cette technologie dans leurs processus. Les inspections pourront de cette manière se concentrer sur les entreprises qui ont réellement besoin d'une attention accrue. »

Certaines technologies se heurtent-elles à des contraintes spécifiques ?

Johan : « De nombreuses questions subsistent. Prenons l’exemple du Whole Genome Sequencing (WGS) : une innovation majeure qui permet de détecter plus rapidement les épidémies d’origine alimentaire. Cette technique d'analyse permet de tout relier : de la contamination à l’entreprise. Mais une question se pose : jusqu’où devons-nous aller ? »

Johan Hallaert (Fevia) links en Herman Diricks (FAVV) rechts

Herman : « Grâce au WGS, il est possible de détecter et d'éliminer des pathogènes environnementaux avant même que le produit n'arrive sur le marché. Cela permet d'éviter les contaminations, même s'il s'agit d'une contamination ponctuelle et sporadique à la salmonelle. Si nous utilisons la technologie de manière intelligente, nous pouvons effectuer des contrôles plus ciblés et intervenir plus rapidement là où c'est vraiment nécessaire. Actuellement, ce n’est pas encore rentable ou faisable dans toutes les entreprises, mais cela viendra. Une chose est sûre : celui qui investit aujourd’hui dans la technologie, réduit non seulement les risques, mais accroît également l’efficacité. »

Quelle est, selon vous, la plus grande idée reçue qu’ont les consommateurs sur la sécurité alimentaire ?

Johan : « De nombreuses personnes confondent ‘danger’ et ‘risque’. La découverte de traces d'un produit chimique – comme lors d’une récente étude sur les substituts de viande – suscite rapidement l'inquiétude.  Mais il est important de comprendre qu'un danger ne devient un risque que si l'exposition est suffisamment importante. Dans la plupart des cas, ce n’est pas du tout vrai. Il y a donc rarement un véritable problème de sécurité alimentaire, même si les médias en parlent parfois de manière alarmante. »

Herman : « Le consommateur peut avoir l’assurance que tout ce qui est mis sur le marché est sûr. Si un problème survient, des mesures sont prises immédiatement par l’intermédiaire d'un rappel. Ce que l’on oublie souvent, c’est la part de responsabilité du consommateur une fois le produit chez lui. La sécurité alimentaire ne s'arrête pas à la caisse d’un magasin. »

Herman, vous allez bientôt passer le flambeau et prendre une retraite bien méritée. Quel a été le moment le plus marquant ou le plus drôle de votre carrière à l’AFSCA ?

Herman : « Ce qui m'a toujours marqué, c’est à quel point la chaîne est parfois complexe et surprenante. On rencontre des situations auxquelles on ne s'attend pas. Je me souviens, par exemple, d’un cas où des truies aux Pays-Bas ont soudainement eu des problèmes de fertilité. 

Après enquête, il s’est avéré que la cause provenait d’un flux de déchets d’une entreprise irlandaise de contraception. Des résidus d'hormones de la pilule se sont retrouvés dans l'alimentation des animaux par le biais d'un sous-produit sirupeux, avec toutes les conséquences qui en découlent.

Un autre exemple est l'affaire de la viande de cheval dans des lasagnes au Royaume-Uni. En examinant le parcours de la viande, nous avons constaté que les documents administratifs indiquaient quelque chose de très différent du flux réel des produits. 

Ces incidents montrent combien la chaîne est complexe et combien la traçabilité et le contrôle restent importants. Ce qui est fascinant, c'est qu'un phénomène qui, à première vue, n'a rien à voir avec l'alimentation, peut néanmoins avoir un impact considérable sur la sécurité alimentaire. Ce genre de situations me restera toujours en mémoire. »

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