Le pouls de l’industrie alimentaire en 6 chiffres

04.02.2021

Comment se porte le patient aujourd’hui ? Ces dernières années, l’industrie alimentaire se portait relativement bien avec plus ou moins d’entrain selon les années. L’année 2020 a malheureusement jeté un froid. Malgré qu’elles aient fait preuve de résilience, la toute grande majorité de nos entreprises souffrent toujours. C’est en tout cas ce qui ressort de la dernière enquête réalisée mi-janvier pour le compte de l’Economic Risk Management Group (ERMG) et coordonnée par la Banque nationale. Carole Dembour, économiste chez Fevia, partage son diagnostic à travers 6 chiffres.

« Les entreprises alimentaires interrogées signalent une baisse de 18% de leur chiffre d’affaires en janvier comparativement à la normale. Il s’agit là d’une détérioration de 9 points de pourcentage par rapport à l’enquête précédente de décembre. Cet impact négatif nettement plus important est sans doute lié à la fermeture prolongée de l’horeca et de l’événementiel, sans perspectives claires de reprise des activités. On ne peut également pas exclure un certain impact du Brexit dans la dégradation de la situation. »

« Il est assez symptomatique de retrouver l’industrie alimentaire en cinquième position parmi les secteurs les plus touchés, directement après l’évènementiel et les activités récréatives, l’horeca, l’aviation et le transport routier de personnes. A l’autre bout du classement, on retrouve le commerce de détail alimentaire qui n’est quasi pas impacté. Et c’est de là que naît la perception pour le moins erronée que l’industrie alimentaire va bien ».

« Certes, d’un côté, les entreprises alimentaires dont le canal de distribution est principalement la grande distribution ont, pour certaines, enregistré une augmentation de leurs activités, avec même à la clé peut-être des embauches supplémentaires. Mais de l’autre côté, les entreprises orientées horeca, events, tourisme et export ont vu leurs canaux de distribution se rétrécir, et même se boucher totalement.

Ainsi, dans l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque nationale, elles sont 72% à indiquer que l’insuffisance de la demande est problématique. Ce pourcentage n’avait plus été enregistré depuis l’enquête d’avril 2009. A noter que seules 12% des entreprises signalent ne pas connaître d’entraves à la production. C’est presque moitié moins qu’en moyenne ces dix dernières années. »

« Ce manque de débouchés, couplé aux retards dans les paiements des clients, entraine des problèmes de liquidités pour 32% des entreprises alimentaires (enquête ERMG). Ceci s’accorde avec les résultats d’une étude de Graydon, en collaboration avec la FEB : dans l’industrie alimentaire, 23% des entreprises qui étaient en bonne santé jusqu’au 12 mars 2020 seraient maintenant dans une situation financière particulièrement délicate malgré les mesures de soutien. Ces entreprises représentent pas moins de 10% de l’emploi de l’industrie alimentaire.

Un motif d’inquiétude grandissant est dès lors le risque de faillite. D’une part, directement car la proportion d’entreprises alimentaire déclarant dans l’enquête ERMG qu’une faillite est (très) probable reste relativement stable aux alentours des 8%. Et d’autre part indirectement, en tant que fournisseur du secteur de l’Horeca et de l’évènementiel dans lesquels la proportion estimée de faillites se situe aux alentours des 30% et 25% respectivement ! Un effet boule de neige n’est pas exclure dans les prochains mois. »

« Pas étonnant dès lors que les investissements soient reportés ou annulés. En moyenne, les entreprises de l’industrie alimentaire s’attendent ainsi à ce que les investissements en 2021 soient inférieurs de 22% à la normale, ce qui constitue encore une dégradation supplémentaire par rapport à la baisse des investissements en 2020 évoquée lors de l’enquête précédente (19%). »

« Pour le cinquième mois consécutif, les chefs d’entreprise dans l’industrie alimentaire affichent une confiance plus basse que dans l’industrie manufacturière. Ainsi, après la brève embellie qui a suivi la chute brutale en avril-mai, l’indice de conjoncture de l’industrie alimentaire (indice de « confiance » s’appuyant principalement sur des évolutions économiques réelles telles que l’évolution des commandes, de la demande, etc.) a rechuté en septembre, sans amélioration depuis. Ceci souligne la morosité ambiante de notre secteur. »

Beaucoup de symptômes donc. Quel est le diagnostic ?

« L’industrie alimentaire en Belgique est un secteur résilient, mais qui reste néanmoins fort impacté. Renverser la courbe demeure cependant encore et toujours l’ambition. La crise du coronavirus a durement touché les entreprises de l’industrie alimentaire, mais elle leur a peut-être aussi imposé l’opportunité de se réinventer, que ce soit en termes d’organisation du travail, de stratégie commerciale, d’impact sociétal ou autre. Si ce n’est pas demain, alors après-demain ! », conclut Carole Dembour.