Le secteur laitier belge plus durable, de l’herbe au verre

09.12.2020

Votre famille apprécie régulièrement un verre de lait, un bol de yaourt ou une tartine au fromage au petit déjeuner ? Nos produits laitiers demeurent populaires car ils sont si savoureux et s’intègrent dans un régime alimentaire équilibré. Cela fait longtemps que la qualité de nos produits laitiers est reconnue et aujourd’hui, elle atteint de plus en plus de pays lointains, telle que la Chine. En outre, l’industrie laitière a connu une forte croissance ces dix dernières années : le volume de lait transformé a augmenté d’environ 50 %. Ce qui a apporté plus d’investissements, d’innovation et d’emploi dans notre pays. Renaat Debergh, administrateur délégué de CBL, la Confédération Belge de l’Industrie Laitière, explique comment le secteur s’engage désormais davantage à rendre la chaîne laitière plus durable, de l’herbe au verre.

Bonjour Renaat, pouvez-vous nous présenter le secteur laitier belge ?

« Le secteur laitier belge est très diversifié, il comprend des coopératives laitières, des entreprises familiales et des groupes internationaux. Nous représentons pas moins de 99 % de tout le lait collecté et transformé dans notre pays. Ensemble, nos 29 membres réalisent un chiffre d’affaires d’environ 5 milliards d’euros ! Avec la suppression du quota laitier européen, notre pays a pu jouer pleinement de ses atouts en termes de production laitière. »

Cela a certainement eu un impact positif sur les investissements et l’emploi ?

« Cela a en effet encouragé des investissements importants : la capacité de transformation a été augmentée et l’accent a été mis sur la modernisation et l’innovation. Ces dernières années, l’emploi a augmenté pour atteindre plus de 6 000 travailleurs. En raison de la pandémie du coronavirus, l’année 2020 n’a pas été bénéfique à cet égard. Les investissements ont stimulé nos exportations. L’industrie laitière exporte près de 70 % de son chiffre d’affaires, principalement au sein de l’UE, mais aussi vers des pays tiers. »

Qu’est-ce qui rend nos produits laitiers si uniques ?

« La plupart des gens savent que le lait et les produits laitiers ont des effets bénéfiques sur la santé, mais cela est parfois un peu noyé dans les nombreux messages qui circulent dans les médias. Le lait contient naturellement beaucoup de nutriments et cela ressort également des nouvelles recommandations du Conseil Supérieur de la Santé. En outre, le lait et les produits laitiers figurent parmi le top-10 des produits recommandés, qui tient désormais également compte des aspects de durabilité. Peu de gens connaissent le nouveau concept de la matrice alimentaire, qui est également pris en compte par le Conseil Supérieur de la Santé.

Le concept de la matrice alimentaire, c’est quoi précisément ?

« La matrice alimentaire suppose que nous mangeons des aliments et non des nutriments séparés. Dans ces aliments, il y a de l’interaction entre les nutriments. Les effets sur la santé d’un aliment ne sont donc pas nécessairement égaux aux effets sur la santé des nutriments individuels. Le fromage en est un bon exemple et obtient de meilleurs résultats que ce à quoi on pourrait s’attendre sur la base de nutriments individuels. »

Sur quoi vous concentrez vous aujourd’hui ?

« Le secteur est depuis longtemps fortement engagé pour plus de durabilité et le fait avec l’ensemble de la chaîne laitière. En 2014, nous avons lancé conjointement un programme de durabilité concernant la production, la collecte et la transformation du lait. »

Y a-t-il déjà des résultats concrets ?

« Grâce à notre programme de durabilité, 37 % des producteurs laitiers produisent déjà de l’énergie verte dans leurs exploitations. Outre la réduction des émissions de CO2, les entreprises de transformation du lait se concentrent principalement sur les économies d’énergie et la réutilisation de l’eau. »

Jusqu’où allez-vous dans la réutilisation de l’eau ?

« Grâce à des investissements importants, également en coopération avec les compagnies des eaux, nous parvenons déjà à obtenir 30 % de l’eau utilisée à partir de sources alternatives, telles que les eaux usées recyclées, l’eau de pluie et l’eau provenant du lait lui-même. Il y a encore beaucoup de potentiel : de l’eau est libérée lors de la production de lait en poudre, entre autres, et elle peut être récupérée. Les eaux usées sont également réutilisées. Traiter cette eau pour la rendre potable est une prouesse technique. »

Rendre les emballages plus durables est l’un des « hot topics » du secteur alimentaire, quelle est l’approche de l’industrie laitière ?

« Nous voyons beaucoup d’innovations concernant les emballages, également dans le secteur laitier belge. Nous travaillons avec moins de matières premières, avec plus de matériaux biosourcés et recyclables. Cela a non seulement un impact positif sur la montagne de déchets, mais l’utilisation efficace des matières premières et de l’énergie réduit également les émissions de gaz à effet de serre. »

Comment les entreprises laitières font-elles face au coronavirus ?

La crise du coronavirus a eu des conséquences sur 3 niveaux : une augmentation des ventes au détail, mais aussi des pertes importantes dans les secteurs de l’horeca et du foodservice et une baisse des résultats dans le domaine de l’exportation. Au total, on enregistre malheureusement une perte importante du chiffre d’affaires et du résultat d’exploitation. Les entreprises laitières, dont les ventes sont plus importantes dans l’horeca, ont été plus sévèrement touchées. Les travailleurs des entreprises laitières ont fait de gros efforts pour faire face à la forte augmentation temporaire de la demande du secteur de la vente au détail. Ils méritent certainement d’être félicités !

Dans un avenir proche, je crains les conséquences de la crise du coronavirus : nous serons confrontés à une récession économique. Une croissance économique plus réduite signifie également une croissance plus lente de la demande de produits laitiers dans les pays émergents. Un certain nombre d’entreprises laitières anticipent et prennent des mesures pour être résistantes en ces temps économiquement difficiles.

Comment voyez-vous l’évolution de l’industrie laitière ?

« Après la forte croissance du volume et de la capacité de transformation au cours de la dernière décennie, le secteur continuera, dans les années à venir, principalement à croître en ajoutant de la valeur. Nos entreprises continuent à innover et à développer de nouveaux produits. La reformulation, l’innovation et l’adaptation de la gamme de produits sont les tendances, telles que la réduction de la teneur en sucres ajoutés ou les produits innovants sans sucres ajoutés. »

Et à l’étranger ?

« L’exportation de produits laitiers, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Europe, offre encore de nombreuses opportunités. Nous constatons également que les succursales d’entreprises étrangères attirent de nouvelles productions, créant ainsi un potentiel de croissance supplémentaire. Les aliments pour bébés et les ingrédients alimentaires pour bébés sont un exemple de nouvelles possibilités de croissance. »

Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés nos entrepreneurs laitiers ?

« Dans le cadre du Green Deal de l’UE, nous voulons apporter notre contribution aux efforts pour le climat, ce qui est un défi de taille. En rendant le secteur laitier plus durable, nous voulons parvenir à un système alimentaire durable qui prenne en compte le climat et l’environnement, la santé, l’accessibilité financière et l’acceptabilité culturelle, pour reprendre les termes de la FAO.

Nous encourageons nos fournisseurs de lait à réduire les émissions de méthane en introduisant des mesures d’alimentation et de gestion dans les exploitations laitières. Les prairies permanentes dont disposent nos producteurs laitiers, qui stockent autant de carbone dans le sol que la forêt, constituent un atout important à cet égard. Nous nous concentrons également sur la circularité par la réutilisation de l’eau, l’énergie verte et les emballages renouvelables.

Ces mesures de durabilité ont souvent un coût. C’est un défi majeur que de traduire les efforts de durabilité en une valorisation supplémentaire sur le marché. Nous pourrons alors transmettre à nos fournisseurs de lait davantage de mesures d’incitation à leurs efforts. »

Pourquoi devons-nous être si fiers des #foodheroes de l’industrie laitière ?

« CBL a mis en place un certain nombre de projets avec ses membres, notamment la Convention Alimentation Équilibrée avec notre fédération sectorielle Fevia. Grâce à cet accord volontaire, signé en 2016 avec la ministre de la Santé publique de l’époque, nous avons réduit la teneur en sel du fromage et les sucres ajoutés dans les produits laitiers par la reformulation et le développement de nouveaux produits laitiers.

Les objectifs fixés préalablement étaient strictes. Mais grâce à une excellente collaboration, nous avons bien suivi ces projets et, avec un suivi étroit des résultats annuels des entreprises laitières, nous avons obtenu de bons résultats.

Nous sommes fiers que nos membres ont assumé leur responsabilité sociale et qu’ils l’ont vraiment assumée. Non seulement l’impact technologique de telles adaptations, mais aussi le risque de perdre des consommateurs lorsqu’un produit est reformulé, font que ces projets ne sont pas évidents pour les entreprises alimentaires. À la fin de cette année, nous atteindrons notre objectif de réduction des sucres ajoutés ».

Il s’agit donc de rendre « ensemble » ces produits laitiers plus durables et plus équilibrés ?

« En effet. Et le fait que nous ayons pu réaliser ceci avec tant d’entreprises sur la base de conviction et d’engagement donne une grande satisfaction. En collaboration avec les organisations agricoles, nous avons fondé l’organisation de branche MilkBE en 2019. MilkBE représente une très grande partie de la chaîne laitière et se concentre, entre autres, sur la durabilité, la qualité et les bonnes relations entre les maillons de la chaîne laitière. À la demande des fournisseurs de lait et des organisations agricoles, nous avons donc mis en place un fonds de solidarité pour les cas graves de botulisme, une forme d’intoxication alimentaire, chez les bovins laitiers. Etant donné que nous représentons de nombreux fournisseurs de lait avec MilkBE, il existe une base solide pour répartir les risques sur plusieurs épaules. »

Quelle est la prochaine étape pour le secteur laitier belge ?

Notre organisation CBL fête son 30e anniversaire en 2022 et nous allons le fêter en beauté, avec vous tous, espérons-le, et cette fois-ci en chair et en os !