Bières belges : il y a de la vie dans nos brasseries

03.09.2020

Qui dit bière, dit Belgique. Notre petit pays est traditionnellement connu pour sa grande diversité de bières de qualité. La pils, les bières spéciales et les bières fruitées, amères ou acidulées : le choix est infini. Les racines du brassage de la bière belge remontent au 13e siècle. L’une des plus anciennes associations professionnelles du monde est issue des guildes médiévales : la Fédération des Brasseurs belges. Nous nous sommes entretenus avec Nathalie Poissonnier et Lambert De Wijngaert des Brasseurs belges sur notre culture de la bière, mais aussi sur l’aspect innovant et durable du secteur.

« Nous sommes, aujourd’hui plus que jamais, fiers de notre bière belge, car elle nous offre de bons moments. Et chaque bon moment est parfait pour s’en servir une. Santé ! » 

Bonjour Nathalie et Lambert. Présentez-nous brièvement votre secteur.

Nathalie : « Avec une histoire qui remonte au système de guilde médiévale, la Fédération des Brasseurs belges est l’une des plus anciennes associations professionnelles au monde. Aujourd’hui, nous représentons pas moins de 107 brasseries, de petites microbrasseries aux grands acteurs, et ce nombre ne cesse de croître. En 2019, les 340 brasseries, qui comptent pas moins de 1500 marques de bière, ont investi 332 millions d’euros dans les brasseries et environ 100 millions d’euros dans l’horeca. Le secteur emploie directement et indirectement plus de 50 000 personnes ».

Nos bières belges sont mondialement connues, mais quels sont les points forts que nous ne connaissons pas encore suffisamment ?

Lambert : « Comme l’a souligné Nathalie, le secteur de la bière belge est l’un des plus anciens secteurs qui est réputé pour son excellente qualité. Au fil des siècles, les brasseurs belges ont réussi à maintenir cette qualité, et dans un même temps, à se montrer innovants. Cela s’applique certainement aux efforts de durabilité de nos brasseries. Pour produire de la bière, il faut inévitablement beaucoup d’eau. Eh bien, nos membres font des efforts pour réduire leur consommation d’eau depuis des années. Pensez notamment aux stations d’épuration des eaux qui purifient l’eau jusqu’à atteindre la qualité de l’eau potable. Avec le Green Deal des Brasseurs, la quantité d’eau nécessaire pour produire de la bière a été réduite de plus de 50 % en quasi dix ans. De plus, notre secteur continue à faire des efforts pour encore améliorer cette situation. L’utilisation de l’énergie verte est également importante dans notre secteur. De nombreuses brasseries investissent dans des moulins à vents et des panneaux solaires sur leurs sites de production. »

Quelle est l’importance de l’exportation pour le secteur ?

Nathalie : « Les consommateurs étrangers adorent nos bières belges de qualité supérieure. Cela se traduit dans les chiffres. L’année dernière, 70 % des plus de 25 millions d’hectolitres de bière que nous avons brassés étaient destinés à l’étranger. En Europe, c’est vers nos pays voisins que nous exportons le plus : la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. En dehors de l’Europe, les États-Unis, la Chine et le Canada figurent dans le top 3. »

Lambert : « Les brasseurs belges voient également des opportunités dans de nouveaux marchés, tels que l’Ukraine et l’Europe de l’Est, mais aussi l’Australie et la Nouvelle-Zélande. »

Quelles bières séduisent les consommateurs étrangers ?

Nathalie : « En fait, nous exportons toutes sortes de bières, mais en général, on constate que les trappistes et les bières d’abbaye remportent un franc succès. On remarque toutefois que les préférences dépendent du climat du pays. Les asiatiques raffolent par exemple de bières fruitées. Et dans les pays où les températures sont froides, ce sont les bières plus lourdes qui ont la cote. »

Lambert : « En résumé, il y en a pour tous les goûts et toutes les situations. Avec la campagne « Proud of our Beers », nous mettons les atouts de nos bières belges en évidence. Nous organisons ainsi le Belgian Beer Weekend au Japon depuis 10 ans. Ce qui a commencé comme un petit événement de trois jours en 2010 est maintenant devenu l’une des principales activités en plein air  au Japon, avec plus de 1,3 million de visiteurs au cours des 10 dernières années ! »

Et comment le secteur évolue-t-il chez nous ?

Nathalie : « Les Belges aiment toujours autant la pils. Bien que nous avons constaté un changement dans les préférences au cours des 15 dernières années. L’attention portée aux bières de dégustation augmente d’année en année. Les trappistes, les bières régionales, les bières d’abbaye et les blondes fortes complètent le top 5. Le Belge aime la variété, et s’accorde clairement plus de moments de plaisir, où les bières plus lourdes sont préférées. »

Lambert : « Le fait que la bière a le vent en poupe se reflète également dans le nombre de brasseries. Nous craignons que ce soit différent en 2020. Mais ces 7 à 8 dernières années, nous avons constaté que pas mal de microbrasseries ont vu le jour. Elles commencent comme brasseurs amateurs et en font une histoire à succès. Les microbrasseries sont tendances. Mais notre travail reste le même au fil des ans : protéger nos membres, grands et petits. La seule chose qui compte, c’est d’accorder beaucoup d’importance à la qualité de la bière belge. »

Comment abordez-vous la tendance en matière de santé ?

Nathalie : « Le consommateur opte pour un style de vie plus équilibré et consciencieux. En d’autres mots, nous consommons l’alcool « plus consciemment », chose sur laquelle nous travaillons constamment en tant que secteur. Les bières sans alcool et les bières à faible teneur en alcool remportent un franc succès. L’offre actuelle de bière montre clairement qu’il s’agit de bien plus qu’une simple tendance. Les bières sans alcool et à faible teneur en alcool ont aujourd’hui une part de marché de 6 % et connaissent un succès croissant. D’autres bières, telles que les bières sans gluten, sans sucre et biologiques, par exemple, font partie du marché de niche. »

Le Belge consomme donc plus consciemment ?

Lambert : « Absolument. La bière se déguste avec sagesse. Nous voulons que tout le monde en profite, mais avec modération. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé la campagne BOB en 1995. Vingt-cinq ans après, nous continuons à soutenir la campagne. Cette campagne BOB prouve que la sensibilisation fonctionne. Au début de la campagne, 8 % de la population était testée positive. En 2019, 1,8 % des tests respiratoires étaient positifs, compte tenu du fait que nous testons maintenant beaucoup plus qu’auparavant ».

Nathalie : « Le consommateur évolue, tout comme l’étiquette. Le consommateur est demandeur de communiquer de manière transparente sur la valeur nutritionnelle et les ingrédients figurant sur l’étiquette. Outre les mentions obligatoires, le projet « Proud to be Clear », une initiative de notre fédération européenne sœur Brewers of Europe, examine comment nous pouvons faire figurer des informations supplémentaires sur l’étiquette de manière gérable et claire ».

2020 restera marqué dans l’histoire comme l’année de la crise mondiale du coronavirus qui a sans doute aussi touché votre secteur ?

Lambert : « Notre secteur est fortement touché par la crise du coronavirus. La fermeture temporaire des établissements de l’horeca n’a aucunement fait du bien à notre secteur. La production pour les supermarchés a peut-être continué à fonctionner, mais cela ne compense pas la perte de l’horeca. Les exportations ont également diminué. Tout cela représente une perte du chiffre d’affaires d’environ 80 % pour le secteur ». 

Nathalie : « Nous devons faire tout notre possible pour sortir notre secteur et nos membres de cette crise, et ce sans trop de dommages. En 2019, nous avons payé 800 millions d’euros de cotisations sociales et fiscales. Nous apportons donc une contribution majeure aux finances publiques. Nous plaidons dès lors pour une réduction de la TVA sur l’alcool de 21 % à 6 % dans l’horeca. Une autre mesure de soutien que nous demandons est la suppression de la taxe sur les emballages réutilisables. Cette dernière est très élevée chez les brasseurs belges et s’élève à près de 21 millions. Les emballages réutilisables peuvent être réutilisés au moins 7 fois. Tandis que les bouteilles de pils réutilisables sont réutilisées entre 20 et 40 fois. »

Par quel message souhaitez-vous terminer cette interview ?

Lambert : « Nous avons toutes les raisons d’être fiers de notre bière de qualité : le succès à l’étranger parle de lui-même. En 2016, la culture de la bière belge a été reconnue comme patrimoine immatériel de l’Unesco. Saviez-vous que dans la période précédant la Seconde Guerre mondiale, il y avait un café pour 5 habitants ? Comme vous pouvez le constater, la bière est clairement ancrée dans notre culture belge. L’importance de l’horeca a été soulignée une fois de plus pendant le confinement. Malheureusement, on constate que cette fierté est moins présente en Belgique. Nous sommes un peuple humble. C’est pourquoi avec notre campagne, nous appelons tout le pays à être fier de notre bière, y compris les autorités. Regardez l’équipe de Fevia, ils donnent l’exemple. Small country, great beer. Santé ! »

La bière belge en résumé​
- En 2019, nos brasseurs belges ont produit plus de 25 millions d’hectolitres de bière.
- Plus de 70 % de cette production a été exportée, ce qui fait de notre pays le plus grand exportateur de bière au monde.
- Les Brasseurs Belges sont la plus ancienne association professionnelle au monde.
- La pils reste la bière préférée des Belges, elle représente 20 % de la consommation.