Effet géopolitique sur les prix alimentaires

08.01.2024

Les attaques des rebelles houthis du Yémen contre les navires marchands se dirigeant vers le canal de Suez via la mer Rouge engendrent une énorme perturbation du commerce mondial. En effet, un grand nombre de compagnies maritimes, dont le géant danois Maersk, ont décidé de dérouter leurs navires autour de l'Afrique du Sud pour éviter de passer par le stratégique golfe d'Aden, ce qui allonge considérablement les trajets entre l'Asie et l'Europe et les rend plus coûteux. Avec à la clé des répercussions sur le prix des produits alimentaires et la compétitivité de nos entreprises.

Augmentation astronomique des tarifs de fret

Selon les indices de prix de Freightos.com, le coût du transport de marchandises dans un conteneur de 40 pieds de l'Asie de l’Est vers l'Europe du Nord a presque quintuplé depuis début octobre, passant de 920 dollars à 4.400 dollars. Pour le trajet en sens inverse, le prix du conteneur a été multiplié par 3,5 (744 dollars aujourd’hui contre 200 dollars il y a 3 mois).

Notons également que les autres routes maritimes, ne passant pas par le canal de Suez, ont aussi été impactée, mais de manière nettement moins forte. Ainsi, au départ de la côte est des Etats-Unis, le coût du transport de marchandises a augmenté de 78% à destination de l’Asie et de 58% à destination de l‘Europe du Nord. Seule route maritime à avoir vu ses tarifs baisser : celle reliant la côte ouest des USA à l’Asie (-10%).

Impact sur les importations : produits (intermédiaires) plus chers

En 2022, les importations belges en provenance d’Asie représentaient « seulement » 4% des importations mondiales. Mais pour certaines catégories de produits, la dépendance à l’Asie est plus importante. Par exemple, 57% du riz importé en Belgique en 2022 provenait d’Asie, dont 97% est transporté par la mer. Autres exemples : la part des importations venant d’Asie est de 24% pour le thé, 22% pour l’huile de palme et 20% pour les poissons et crustacés.

L’augmentation du coût de transport de ces produits pourrait donc se répercuter dans le prix final de ces produits.

Impact sur les exportations : perte de compétitivité (encore)

Avec un montant de 2,4 milliards d’euros, les exportations vers l’Asie représentaient en 2022 près de 7% de nos exportations mondiales d’aliments et boissons. Il s’agit d’un marché d’exportation en pleine croissance puisque les exportations y ont doublé sur les huit dernières années. L'escalade du coût des transports pourrait mettre un frein (temporaire) à cet élan. En effet, si les producteurs alimentaires répercutent l'escalade du coût des transports dans leurs prix de vente, leur compétitivité par rapport à des concurrents moins affectés ou des producteurs domestiques s’en trouvera négativement impactée, avec à la clé un risque de perte de parts de marché. Prenons à nouveau un exemple, celui des produits de pommes de terre surgelés pour lesquels l’Asie est un marché très important (17% des exportations totales). Selon les données de l’UNCTAD, en Asie, près de 40% des importations de ces produits le sont par transport maritime, dont un tiers vient des Etats-Unis, 16% de la Belgique et 11% des Pays-Bas. Or, comme indiqué plus haut, le transport par conteneur au départ des Etats-Unis vers l’Asie a nettement moins augmenté qu’au départ d’Europe du Nord, voir a même diminué pour la route via le Pacific. Une répercussion de la hausse du tarif du conteneur dans les prix de vente serait donc potentiellement dommageable pour nos entreprises.

Autre option pour nos producteurs alimentaires, ne pas répercuter la hausse des coûts de transport et prendre celle-ci à leur charge. Dans ce cas, leur marge sur les ventes, déjà fortement sous pression, serait encore un peu plus affaiblie.

Menace temporaire ?

L'augmentation du coût du transport intervient à un moment délicat pour l’industrie alimentaire, marquée par l'incertitude climatique et les séquelles d'une explosion des coûts de production qui commençait globalement à s'estomper. Espérons cependant qu’il ne s’agit que d’un phénomène temporaire avec une normalisation des tarifs en cours d’année.