Pas de hausse anormale des prix alimentaires

05.09.2023

Pour une fois ce ne sont pas les acteurs de la chaine agro-alimentaire qui le disent, mais (enfin) le Ministre de l’Economie, Pierre-Yves Dermagne, sur base d’un rapport de l’Observatoire des Prix. Jouons ensemble à « Domino-Cascade » !

Décalage dans le temps

Comme souligné par l’Observatoire des Prix, la transmission des prix au sein de la chaine agro-alimentaire se fait en cascade avec un certain décalage dans le temps, comme l’illustre parfaitement le graphique ci-dessous. Partant de l’amont de la chaine, les prix des matières premières agricoles ont quasi doublé entre août 2020 et mai 2022 (+99%). Cette augmentation explosive n’a commencé à être répercutée par les producteurs alimentaire près d’un an plus tard, et de manière nettement moins forte. Ainsi, entre juillet 2021 et avril 2023, les prix aux producteurs n’ont augmenté « que » de 26%. Enfin, en ce qui concerne les prix aux consommateurs, ceux-ci ont commencé à grimper quelques mois (environ quatre mois) après la hausse des prix aux producteurs. Depuis décembre 2021, l’inflation alimentaire dans les supermarchés a été de 25%.

Pourquoi ce décalage dans le temps de la hausse des prix ? L’Observatoire des Prix cite plusieurs raisons : l’écoulement des stocks constitués avant l’augmentation des coûts de production, la période de négociation et la durée des contrats fournisseurs-clients, idem avec les fournisseurs d’énergie et enfin, les indexations salariales également décalées dans le temps.

A la hausse, mais aussi à la baisse ?

Tout comme l’explosion des prix des matières premières avait commencé à se répercuter onze mois plus tard dans les prix des entreprises alimentaires, l’impact de la baisse du prix des matières premières agricoles, enclenchée en mai 2022, commence maintenant à être visible. En effet, depuis avril 2023, le prix aux producteurs s’est stabilisé. D’aucuns se demanderont pourquoi pas une baisse. Premièrement, parce que les matières premières agricoles ne sont pas les seuls coûts de production. Ainsi, les coûts salariaux ont été indexés automatiquement de près de 11% en janvier, et ne diminueront pas. Deuxièmement, la santé financière des entreprises alimentaires a été mise à mal. Sur base de leur modèle théorique, l’Observatoire des Prix note que les marges semblent avoir diminué pour presque toutes les filières de l’industrie alimentaire en 2022 par rapport 2021 (9 filières étudiées). Sur le premier trimestre 2023, l’Observatoire constate de légères améliorations, ou un statu quo, sauf pour la bière et la viande bovine/porcine où la dégradation des marges se poursuit. Il est donc indispensable que dans les prochains mois, les entreprises alimentaires sortent la tête de l’eau afin de pouvoir continuer à investir et innover.

Et pour le consommateur ? Selon les dernières données disponibles, l’indice des prix des produits alimentaires transformés devrait encore augmenter au mois d’août (par rapport à juillet). Mais si l’on se rapporte au délai de transmission entre les producteurs et les supermarchés, le mois de septembre devrait infléchir la courbe.

Sur les 6 premiers mois de l’année, inflation la plus faible chez nous

Depuis janvier de cette année, c’est en Belgique que les prix des produits alimentaires transformés (à l’exclusion des alcools et du tabac) ont le moins augmenté par rapport aux pays voisins. L’inflation s’élevait chez nous à 2,1%, contre 3,4% en Allemagne, 4,0% aux Pays-Bas et jusqu’à 5,7% en France. Si l’on compare sur une plus longue période, l’Observatoire des Prix note que l’inflation en Belgique est comparable à l’inflation moyenne dans les pays voisins. Ceci ne préjuge cependant évidemment pas de la différence de prix chez nous et dans les pays voisins. Pour cela, il faudra attendre l’analyse de l’Observatoire des Prix, dont la publication est attendue en fin d’année. Il est cependant probable que cette étude constatera des prix plus élevés en Belgique qu’en France. Mais pour s’attaquer à cette problématique, des mesures structurelles d’amélioration de notre handicap de compétitivité (salariale, énergétique et fiscale) seront nécessaires.