Prix alimentaires : tout ce qui monte doit-il redescendre ?

01.06.2023

La question semble être aujourd’hui sur toutes les lèvres : notre alimentation va-t-elle devenir encore plus chère ou son prix va-t-il baisser progressivement ? Afin d’épauler ses membres en continu sur cette question cruciale, Fevia vient de lancer un dashboard économique exclusif qui détaille l'évolution des prix de production et des prix de vente. Penchons-nous sur les ingrédients qui composent les prix : s’attend-on à ce que leur prix se situe demain à un niveau plus élevé ou plus faible ?

Premier ingrédient : les coûts de production. Hausse ou baisse ?

Pas de réponse univoque : hausse pour certains, baisse pour d’autres. A moins que…. 

Commençons par les bonnes nouvelles : selon la Banque Mondiale (Commodity Market Outlook, avril 2023), les prix des céréales et des huiles devraient baisser en 2023 (de 14,1% et de 9,7% respectivement) et en 2024 (de 1,9% et de 7,8% resp.). Ceci en supposant que les exportations de céréales et d'oléagineux de la région de la mer Noire restent stables. 

En revanche, les prix des autres produits alimentaires augmenteraient de 2,7% en 2023 et 0,6% en 2024. Et pour certaines matières premières alimentaires, les hausses risquent d’être nettement plus significatives. A titre d’exemple, en mars de cette année, il fallait débourser 812 euros pour une tonne de sucre blanc alors qu’en décembre 2022, ce n’était encore « que » 655 euros et même 446 euros en avril 2022 (EU Agri-Portal). Autre exemple : le prix du cacao a bondi de 25% entre mai 2022 et mai 2023 (Banque Mondiale). Il faut remonter à août 2016 pour retrouver un niveau de prix plus élevé.

Même son de cloche du côté des emballages. Les emballages en plastique ont vu leur prix diminuer de 2,8% depuis le pic atteint en octobre 2022. Notons tout de même qu’en mars, le prix se situe toujours 12% au-dessus de celui d’il y a un an. Cependant, le prix des emballages en verre continue quant à lui d’augmenter, et pas qu’un peu : +13,6% sur les trois premiers mois de l’année.

En ce qui concerne l’énergie, les prix baissent et c’est une bonne nouvelle pour tout le monde. Mais n’oublions pas que certaines entreprises ont encore dû récemment passer d’un contrat fixe à un contrat variable à des tarifs nettement moins avantageux que ceux dont elles bénéficiaient auparavant. 

Enfin, les coûts salariaux sont le seul poste dont l’on peut prédire le sens de l’évolution sans risquer de se tromper… « grâce » à l’indexation automatique des salaires. En janvier de cette année, l’indexation historique de 10,96 % a été particulièrement douloureuse et a engendré une perte de compétitivité face à des concurrents étrangers qui ne sont pas soumis à ce mécanisme automatique.

Deuxième ingrédient : la marge des entreprises. Hausse ou baisse ?

Il faudra absolument qu’elle augmente cette année ! Les données de la Banque Nationale de Belgique (BNB) montrent que le taux de marge opérationnelle net diminue de manière structurelle depuis plus d’une décennie dans notre secteur. Cependant, après chaque crise, que ce soit la crise économique et financière de 2008-2009 ou l’explosion des prix des matières premières alimentaires de 2011, la marge était parvenue à se redresser partiellement après avoir absorbé le choc. 

Cela n’a pas été le cas après la crise du covid où le taux de marge opérationnelle net a clairement chuté et ne risque pas de retrouver sa vigueur d’antan prochainement…
Le taux est passé de 3,80% en 2019 à 3,33% en 2020 pour ne remonter que très légèrement l’année suivante à 3,37%. Pour 2022, la BNB et l’Observatoire des prix ont montré que la marge des entreprises alimentaires a globalement baissé pour se retrouver en-dessous de son niveau d’avant la crise du covid. Et cela ne s’est certainement pas amélioré début 2023, étant donné qu’un certain nombre d’entreprises a encore dû passer d’un contrat fixe d’énergie à un contrat variable et que toutes ont dû appliquer l’indexation automatique des salaires.

Les entreprises ont donc pris en charge une part importante de l’augmentation des coûts de production afin de limiter au maximum l’impact sur leur prix de vente mais aussi parce qu'elles n'ont souvent pas pu suffisamment répercuter cette augmentation sur leurs clients. Cela n’est pas tenable. En juillet 2022, une étude de Graydon avait mis en évidence que 4 entreprises alimentaires sur 10 ne disposaient pas des moyens financiers suffisants pour absorber un nouveau choc économique. 

Or, les entreprises doivent disposer non seulement d’une « réserve de secours », mais elles doivent être en mesure de réaliser les investissements nécessaires pour assurer compétitivité et innovation, et donc l’emploi de demain, mais également pour répondre aux objectifs de durabilité et aux besoins changeants des consommateurs. Il est donc impératif que la rentabilité des entreprises se redresse.

Troisième ingrédient : les taxes. Hausse ou baisse ?

Taxes : malheureusement l'une des rares certitudes dans la vie... Et oui, la lasagne de taxes à la belge a un impact indéniable sur le prix de nos aliments et nos boissons. Elle rend nos produits (beaucoup) plus chers. Comment vont évoluer les taxes? Il faudra aller poser la question à nos décideurs. Mais ce qui est sur la table nous préoccupe fortement. 

Dans le cadre de la réforme fiscale, l'augmentation proposée de la TVA de 6% à 9% entraînera un renforcement des achats transfrontaliers, qui pourraient atteindre 1 milliard d'euros par an. En effet, les précédents en matière de fiscalité indirecte ont clairement montré qu’il y a un lien de causalité entre fiscalité, prix et achats transfrontaliers. L’augmentation des accises sur les boissons non alcoolisées en 2016 et 2018 en a été la preuve malheureuse. 

De plus, la réforme ne propose aucune mesure pour alléger le coût du travail qui est nettement plus élevé chez nous que dans les pays voisins. Pour l’industrie alimentaire, notre handicap salarial tourne aujourd’hui autour des 25%. Pire, une telle augmentation de la TVA donnera à nouveau lieu à une indexation des salaires et donc à des augmentations supplémentaires des coûts salariaux. Ce qu’il faut éviter comme la peste !
On peut également épingler l’annonce de l'augmentation de la taxe sur les emballages qui doit rapporter 60 millions d'euros par an soit 17% de plus qu’aujourd’hui. 

Autre exemple concret de cette lasagne de taxes indigeste, la transposition par les trois Régions des nouvelles règles européennes sur les coûts des déchets sauvages. Les producteurs belges de denrées alimentaires et de boissons pourraient être confrontés à une charge financière supplémentaire jusqu'à cinq fois plus élevée que ceux dans les pays voisins ! 

Conclusion, les choix politiques des prochains mois influenceront fortement l’évolution des prix alimentaires pour le consommateur et la position concurrentielle de nos entreprises alimentaires. 

Alors : combien ça coûte ?

On le voit, il est difficile de répondre de manière univoque à la question d’évolution à la hausse ou à la baisse des prix alimentaires. Chaque entreprise, avec ses produits et ses segments de marché propres, se trouve dans une situation différente. Plusieurs éléments indiquent cependant qu’il ne faut pas s’attendre à une baisse caractérisée des prix. 

Un, les prix des matières alimentaires sont toujours nettement plus hauts aujourd’hui qu’il y a un an, et certains continuent à augmenter. Il faut également préciser que les diminutions de prix des intrants ne se traduisent pas immédiatement mais seulement progressivement dans les contrats de nos entreprises avec leurs fournisseurs. 

Deux, les coûts salariaux sont aussi nettement plus élevés, et ceux-là ne risquent pas de baisser… à moins d’une intervention de nos décideurs. 

Trois, la rentabilité des entreprises alimentaires doit se redresser. Au moment où nos entreprises peuvent enfin et avec beaucoup de retard répercuter une partie de l'explosion des coûts, il serait irresponsable et populiste d’exiger une baisse générale des prix à court terme. 

Il est cependant évident que chaque entreprise souhaite proposer les prix les plus abordables possible pour le consommateur. L’inflation alimentaire diminuera donc progressivement au cours de l’année. Le tout sera de trouver un équilibre entre rentabilité et accessibilité. En espérant que des décisions politiques ne viennent pas compliquer cette difficile quête en poussant les prix alimentaires encore plus vers le haut.