Food Connections : faire face à la complexité est la nouvelle norme

02.07.2020

La crise du coronavirus nous a tous poussé à accélérer le pas vers le digital. De plus en plus de réunions, mais aussi d’événements s’organisent aujourd’hui de manière digitale par la force des choses. Le secteur food n’échappe évidemment pas à cette règle et c’est d’ailleurs le cas pour Food Connections, l’événement annuel de Fevia Wallonie et Wagralim. Cette année il sera axé sur 3 webinaires d’inspiration dédiés à la résilience, le végétal et l’e-commerce. Anne Reul de Fevia Wallonie et François Heroufosse de Wagralim nous en disent plus sur l’impact de la crise du coronavirus et quelles leçons en tirer pour préparer le secteur agroalimentaire wallon aux défis de demain.

Le digital n’a jamais été aussi présent dans la vie des gens depuis la crise du coronavirus. D’après vous, la crise a-t-elle aussi boosté la digitalisation dans le secteur agro-alimentaire wallon ?  

Anne : « Pour les entreprises alimentaires du secteur wallon, la crise du coronavirus a eu plusieurs effets. Il y a eu un renforcement du télétravail là où c’était possible - essentiellement pour les employés - et comme dans beaucoup d’autres entreprises, la multiplication des réunions digitales, des webinaires, … Mais on a aussi assisté au développement plus rapide de l’e-commerce et de l’e-marketing pour répondre aux demandes des consommateurs qui ne pouvaient plus ou ne préféraient pas se déplacer physiquement : mise en place de webshops, logistique de distribution, … On a clairement évolué vers « l’Everything E » et aussi au niveau international, avec des salons commerciaux en lignes et une multiplication des contacts en ligne avec les clients étrangers, … »

François : « La crise a joué un rôle d'accélérateur dans toute une série de tendances préexistantes et donc aussi sur la digitalisation du secteur. Il est clair que le digital est plus que jamais présent, soit au niveau de la supply chain, soit au niveau des opérations, soit enfin sur les canaux de ventes. Le Digital Boostcamp agroalimentaire, qui vient de se terminer a été organisé cette année complètement sous format digital, puisqu’il a eu lieu pendant le confinement. Ce workshop a pour objectif de faire réfléchir et avancer le chef d’entreprise et son équipe sur la façon d’introduire et de positionner la digitalisation dans son entreprise. »

Le digital, accéléré par la crise, a donc créé des opportunités pour les entreprises ?

François : « Oui bien sûr, le digital est un moyen d’accéder à de nouveaux marchés et à de nouveaux clients. Pour celui qui était par exemple trop dépendant de l’horeca, le digital permet de toucher le consommateur sans obligatoirement passer par les filières classiques de distribution. La relation client peut également être revue, avec une communication en direct et instantanée. Ce qui est intéressant avec cette crise, c’est que tant l’entreprise que le consommateur ont dû adapter leurs habitudes… ».  

Anne : « La crise a bien montré que la transformation numérique est un outil qui permet de se rapprocher du client final. Il s’agit d’un processus intégré, depuis la conception et le développement du produit au support client dans son utilisation du produit. Le potentiel d’innovation numérique conditionnera la vitesse de sortie de la crise et le redéploiement économique de la Wallonie. Le Gouvernement wallon l’a bien compris en soutenant le programme « Industrie du Futur » de Digital Wallonia auquel Fevia Wallonie et Wagralim participent. »

François : « Finalement, on peut dire que la crise du coronavirus va accélérer les changements qui étaient déjà en cours : les filières plus locales, la digitalisation, la transparence, les nouveaux canaux de distribution… Tout était déjà présent avant la crise, mais ces transitions connaissent un regain d’importance aujourd’hui. »

L’« e-commerce » est sans surprise l’un des thèmes phares du moment. Mais l’événement Food Connections aborde aussi la « résilience » et le « végétal ». Vous pouvez en dire plus sur ce choix ?

François : « L’e-commerce, c’est bien entendu une des facettes de la digitalisation. L’alimentaire a peut-être encore du progrès à faire, mais la révolution est en marche. Ceci va impacter notre façon d’acheter, de comparer, de communiquer. Quant à la résilience, c’est bien entendu aussi lié à la crise. Le système alimentaire a bien résisté et s’est montré résilient sur quelques mois, mais il faut s’interroger sur la manière de le rendre plus résilient. Un meilleur contrôle de l’origine de nos matières premières par exemples, ou plus de diversification dans les fournitures sont un moyen d’y parvenir. »

Anne : « Pendant la crise, le système alimentaire a en effet tenu le coup et on a pu continuer à nourrir la population. Ce n’est pas rien ! Mais la crise a révélé aussi certaines fragilités du système et confirmé ce que nous savions avant : il faut continuer à évoluer vers un système alimentaire résilient et plus durable. Il est important d’associer les acteurs dans cette démarche, afin qu’ils soient eux-mêmes moteur de cette dynamique. »

Et comment le secteur évolue-t-il vers plus de durabilité ?

Anne : « Des initiatives ont déjà été prises par le passé, avec les différents acteurs de la chaîne, comme la démarche D’Avenir, ou le Référentiel « Vers un système alimentaire durable », coconstruit par 80 acteurs et coordonné par l’administration wallonne du Développement durable. Nous voulons poursuivre sur cette voie, tous ensemble. »

Plusieurs outils intéressants ont été développés dans le cadre de D’Avenir : au-delà d’une bannière, d’une dynamique de réseau, d’un laboratoire d’initiatives innovantes et collaboratives, une sorte de ‘guide de durabilité’ a aussi été élaboré pour évaluer le potentiel et les progrès de durabilité d’un projet alimentaire. »

Pour poursuivre, lisez aussi l’article d’opinion de Fevia « Un système alimentaire durable ne s’arrête pas à la frontière » et l’article « 5 conditions pour un système alimentaire durable, from Farm to Fork ».

François : « La durabilité est une démarche continue pour le secteur alimentaire. Notre démarche D’Avenir, mise en œuvre au sein de Wagralim, et pilotée par les fédérations du système alimentaire, a montré que l’entreprise doit intégrer la durabilité dans sa stratégie, dans sa façon de poser des choix. C’est en définitive une démarche collaborative, comme l’a encore montré le projet WALLEP qui proposera bientôt de nouvelles gammes de produits alimentaires issus d’une filière wallonne de l’épeautre. »

Cette transition vers le végétal, vous l’aborder aussi cette année, pourquoi ?

François : « Parce que le végétal est une transition qui a commencé il y a quelques années déjà et qui est en phase d’accélération. Il ne s’agit pas d’une tendance, mais d’un changement. Il est donc primordial pour toutes les entreprises d’en tenir compte. Quoiqu’on en pense, le végétal est important également pour les produits animaux car l’Europe est encore trop dépendante de ses importations en protéines. »

Anne : « Je ne peux que confirmer. Le végétal est clairement un marché avec beaucoup de potentiel chez nous comme à l’étranger, pour l’alimentation humaine et animale. Le développement de filières de protéines végétales pourrait ainsi permettre le développement de nouvelles chaînes de valeur en Wallonie. Cela correspond aux priorités du plan de relance post-corona wallon et est d’ailleurs repris dans le plan de relance « Get Up Wallonia » du gouvernement wallon.

Les protéines végétales et « locales », c’est donc l’avenir ?

Anne : « La Wallonie dispose de beaucoup d’atouts et de points forts par rapport à ces filières de protéines végétales. Il ne faut cependant plus traîner si on veut garder une longueur d’avance. Et ici aussi il s’agit de travailler et d’impliquer tous les acteurs de la chaîne, du champ à l’assiette. Nous avons d’ailleurs demandé au gouvernement wallon de soutenir le développement de la filière en Wallonie avec les supports nécessaires aux différents niveaux. »

François : « Si on ne peut prédire l’avenir, il y a fort à parier que le local voit son importance renforcée, ainsi que tous les éléments qui vont rassurer le consommateur : une bonne information sur l’origine des produits, un accès facile et garanti, l’aspect durable et sain… Evidemment, avec des contraintes de prix. N’oublions pas que nous entrons également dans une crise économique. Il y aura donc des compromis à trouver pour le consommateur. Le digital est un moyen d’augmenter ses choix et de trouver les produits qui correspondent à ses valeurs. »

Quel est LE défi pour le secteur agro-alimentaires wallon ?

François : « Le nouveau défi des entreprises wallonnes, c’est de gérer cette complexité. Être plus local, garantir la qualité, maitriser les coûts… tout en étant de plus en plus durable, en abordant la transition numérique et en inventant un nouveau dialogue avec le consommateur… voilà qui rend le métier de chef d’entreprise de plus en plus difficile. L’entreprise doit également gérer de multiples paradoxes : un ancrage local tout en gardant l’accès à l’exportation ; garantir la qualité et la fraicheur tout en repensant les emballages… Rendre les produits partout et rapidement accessibles et limiter son empreinte carbone… »

Comment faire face à cette complexité ?

François : « Il faut avoir les bonnes compétences en interne ou proches de l’entreprise pour relever tous ces défis. Et le défi des talents est déjà de taille. Mais ensuite, il faut rendre l’entreprise agile, innovante, et intelligente. Ces mutations impliquent que l’entreprise doit développer une intelligence collective qui seule permettra de mobiliser les ressources afin de répondre à cette complexité. Pour répondre à la transformation du marché, l’entreprise doit se transformer de l’intérieur. C’est le défi de l’innovation managériale. »

Anne : « L’innovation numérique va en quelque sorte pousser à revoir les relations au sein de l’entreprise. L’humain restera au centre de la transformation numérique, car celle-ci influence en profondeur l’organisation et la culture d’entreprise. Il convient donc de sensibiliser et de mobiliser les entreprises à concevoir et développer des politiques humaines adaptées et durables. »

Concrètement, quels sont les outils disponibles ?

Anne : « Fevia et Alimento, notre fonds sectoriel de formation, ont mis en place des outils pour accompagner les entreprises. Nous demandons également à nos partenaires sur le marché du travail de mettre en place les outils nécessaires, comme les formations adéquates au niveau du Forem par exemple. La promotion et la formation aux contenus STEM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) sont dans ce sens extrêmement importants afin de développer les talents de demain qui devront accompagner cette transformation numérique. » 

François : « Wagralim a développé une toolbox pour aider les entreprises à rapidement se repositionner dans le contexte de crise économique qui nous attend. Citons, par exemple, Keyfood pour identifier les expertises technologiques nécessaires à la modification de produits, à la maîtrise de la qualité… ou FFeedback pour innover au niveau marketing (digital). Wagralim a développé une méthodologie qui permet à une entreprise seule ou à un groupe d’entreprise de se positionner par rapport aux objectifs de développement durable, et d’établir ses objectifs et son plan d’action en matière de durabilité. »

Pour aider les entreprises alimentaires à intégrer le développement durable au sein de leur stratégie, Fevia organise des workshops dédiés aux objectifs de développement durable des Nations Unies. Pour plus d’info et vous inscrire au prochain workshop, cliquez ici

Enfin, pourquoi participer à l’événement Food Connections ?

Anne : « L’objectif de notre événement est d’inspirer la communauté d’entreprises alimentaires qui composent notre système alimentaire en Belgique et plus précisément en Wallonie. Nous voulons partir de leurs préoccupations de terrain. Il s’agit aussi d’alimenter les entreprises sur ce qui les attend, c’est pourquoi nous avons axé les webinaires sur les tendances importantes pour le développement futur du secteur et qui ont aussi été influencées, voire accélérées, par le coronavirus. »

François : « Ces tendances de fond et les transformations nécessaires étaient déjà présentes et lancées avant la crise. La crise du coronavirus a été un accélérateur : ceux qui étaient déjà positionnés sur ces tendances de « digitalisation » et de « durabilité », ont une longueur d’avance sur les autres. Mais c’est évolutif et les entreprises doivent continuer à se challenger et évoluer sur ces sujets. Ces tendances sont de vraies opportunités de transition vers des modèles plus résilients et agiles, indispensables pour notre avenir à tous ».

Pour participer à l’événement Food Connections, cliquez ici