Opinion : pourquoi le système de consigne digital vaut-il la peine d’être exploré ?

17.01.2023

Le 23 décembre dernier, le Gouvernement flamand a pris une décision en matière de consigne pour les emballages de boissons à usage unique. Le choix du Gouvernement flamand est clair : ce sera une consigne digitale. Ann Nachtergaele, Environmental Affairs & Energy Director chez Fevia, explique pourquoi c’est une bonne décision.

Passer à la consigne, oui…

Pendant longtemps, Fevia, avec les entreprises du secteur des boissons, a estimé qu’un système de consigne n’était pas la meilleure solution dans un pays comme la Belgique. En effet, la Belgique, il y a plus de 25 ans déjà, faisait le choix d’un système de collecte des emballages reposant sur le tri à domicile et la collecte des emballages PMC via le sac bleu. Ce choix a été confirmé lors de l’extension du sac bleu à tous les emballages en plastique à partir de 2019. C’est un choix collectif : celui des entreprises, des fédérations, de Fost Plus et des autorités. C’est un choix qui s’est accompagné d’investissements importants, financés par vous, les entreprises qui mettez des produits emballés sur le marché.

Remettre ce choix en question est difficile à plus d’un titre : c’est surtout demander au consommateur qui, depuis plus de 25 ans met correctement ses bouteilles et canettes dans le sac bleu, de changer soudain de comportement et de tout ramener au magasin. Mais c’est aussi mettre toute une série d’investissements à la poubelle, et rendre le système du sac bleu moins efficient, ce qui revient à demander à toutes les entreprises qui ne mettent pas de boissons sur le marché de payer plus pour le même service. Or, nous avons, avec le sac bleu actuel, un taux de collecte d’emballages de boissons similaire à ce qu’atteignent les pays avec un système de consigne sur les emballages à usage unique. 

Mais nous savons que rien n’est jamais tout rose. D’une part, malgré les investissements massifs que nous avons faits dans Mooimakers, BeWapp et la collaboration avec Bruxelles (119 millions sur 7 ans quand même), la quantité de déchets sauvages ne diminue pas. Pour les entreprises qui voient  leurs marques traîner dans la nature, c’est, à chaque fois, une gifle. De plus, trop de matériaux d’emballages sont encore perdus, essentiellement lors de la consommation hors domicile. Or, pour les entreprises et l’économie circulaire, récupérer ces matériaux de PET, d’aluminium et d’acier est crucial pour rendre des emballages entièrement circulaires. Il fallait donc bien se résoudre à l’inévitable : donner une valeur à la bouteille en PET et à la canette est malheureusement l’étape nécessaire pour convaincre le consommateur de se défaire correctement de son emballage …

… mais alors, le système de consigne digitale

Donner une valeur à l’emballage, c’est donc mettre un système de consigne en place. Le système de consigne, on le connaît bien, en Belgique également. Il fonctionne depuis de très nombreuses années dans le secteur des emballages ménagers pour les bouteilles de boissons en verre réutilisables. Ce système oblige le consommateur à ramener la bouteille au magasin et celle-ci retourne ensuite au centre d’embouteillage pour être lavée et réutilisée. Il s’agit d’un système complexe et coûteux, mais qui fonctionne parce que les consommateurs y sont habitués et que tout le secteur s’est organisé pour que cela fonctionne bien et que la quantité de bouteilles est relativement limitée. Le système a aussi tout son sens puisque la bouteille doit revenir intacte là où elle a été remplie.

Pourtant, ce n’est pas parce que c’est un bon système pour les bouteilles réutilisables que c’est automatiquement ce système-là qu’il faut reproduire pour les bouteilles à usage unique. Nous avons dès lors réfléchi à un système tourné vers l’avenir et qui combine le principe de base du système de consigne (demander au consommateur de payer une caution qu’il récupère après consommation) avec les bons résultats que l’on atteint actuellement en Belgique grâce au sac bleu. 

En y réfléchissant, la solution la plus simple est apparue : faisons de chaque endroit de consommation un point de collecte pour les bouteilles et canettes à usage unique consignée : la maison, le bureau, l’entreprise, le cinéma… et la poubelle dans l’espace public. Lorsque le consommateur dépose, là où il consomme, la bouteille et la canette dans la bonne poubelle, il récupère sa consigne. Pas besoin qu’il change son comportement  et qu'il perde son confort, puisque dans 90 % des cas, le consommateur dépose déjà sa bouteille correctement dans le sac bleu. 

L’idée est donc de l’inciter à faire le même geste de tri là où il n’a pas l’envie ou la possibilité de le faire : à l’extérieur, dans des poubelles publiques bleues. Grâce à ce système, le consommateur a immédiatement à sa disposition, 120 000 points de collectes (correspondant aux 120 000 poubelles publiques) répartis sur toute la Belgique et accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Or, l’expérience du sac bleu le démontre, plus c’est facile pour le consommateur, plus les résultats sont bons.

Pour mettre cette idée en œuvre, un point est crucial : il faut pouvoir identifier individuellement chaque emballage via un code unique. Le principe est alors très simple : lorsque le consommateur met sa bouteille ou sa canette vide dans la bonne poubelle, à la maison, à la cantine du club sportif ou dans la rue, il désactive le code unique pour récupérer la consigne. Et quoi de plus simple pour désactiver un code que d’utiliser ce que la plupart des gens ont sur eux : un smartphone.

De l’idée à la mise en œuvre

L’idée est simple et alléchante pour toute personne qui n’a pas peur d’innover, mais est-ce faisable ? Avec Fost Plus et Comeos, Fevia a confié à PwC la tâche d’examiner de A à Z tout ce qui est nécessaire pour mettre un tel système en place. Cette étude a répondu à plusieurs questions fondamentales, comme par exemple :

  • Est-il possible de mettre un code unique sur chaque emballage ? Oui, c’est parfaitement possible. Cela se fait déjà dans d’autres secteurs à grande échelle tels que ceux des médicaments ou des cigarettes. Et des systèmes de code unique sur des canettes existent déjà dans d’autres pays du monde comme l’Equateur ou le Brésil ;
  • Que faire pour les personnes qui ne disposent pas de smartphone ? On pourra mettre à leur disposition un home scanner. De tels appareils existent et sont très faciles d’emploi ;
  • Comment fonctionne le scan dans la pratique ? Il est rapidement apparu qu’il faudra demander au consommateur de scanner aussi bien l’emballage que la poubelle où il mettra celui-ci, un double scan donc pour récupérer le montant de sa consigne ;
  • Il est parfaitement possible de mettre en place un système de plateforme IT totalement sécurisé et qui doit permettre de très nombreuses actions à la seconde ;
  • Le système ne doit pas (et ne peut pas) suivre à la trace chaque achat effectué Le système est conçu de telle sorte que nous ne pouvons pas savoir ce que vous consommez et en quelle quantité. Ce n’est pas une donnée nécessaire pour que le système fonctionne. Celle-ci ne sera donc pas captée.
  • Comment récupérer la consigne digitale ? Le consommateur devra s’inscrire sur la plateforme et donner son numéro de compte en banque. Un geste qui n’est pas insurmontable, et acceptable vu les moyens numériques de plus en plus utilisés pour les paiements.

La conclusion de l’étude est limpide : oui, un système de consigne digital est innovant et tous les éléments nécessaires pour le rendre possible sont disponibles. Un tel système coûtera de l’argent mais, selon les analyses, pas plus qu’un système de consigne classique et avec des résultats potentiellement meilleurs.

Objectif : moins de déchets sauvages et plus de recyclage…

Certains semblent en douter, mais notre objectif est clair et net : nous voulons le plus rapidement possible moins de déchets sauvages et plus de recyclage. Le système de consigne digital permet de bâtir sur un système qui fonctionne actuellement très bien : la collecte du sac bleu à la maison. En revanche, un système qui permet de frauder à grande échelle n’est pas un bon système. Un système de consigne digital offre plusieurs possibilités pour limiter la fraude :

  • Géolocalisation des poubelles empêchant les fraudeurs de copier le code unique ou de l’emporter avec eux ;
  • Géolocalisation des poubelles ne permettant le remboursement de la consigne que si le scan se fait à proximité de la poubelle ;
  • Possibilité de n’obtenir le remboursement que si la canette ou bouteille est ouverte ;
  • Limitation du nombre de scans à la minute ;

Ces systèmes existent et peuvent être appliqués à un système de consigne digital. L’analyse de PwC est claire à ce sujet : grâce à ce type de mesures, il est possible de limiter la fraude au minimum.

… le plus rapidement possible

Non, il ne s’agit pas d’une idée saugrenue qui a pour objectif de retarder encore la mise en place d’un système de consigne en Belgique. Nous souhaitons avancer et avancer vite. Continuer à explorer cette piste, tester le système pour voir ce qu’il faut améliorer, faire une enquête auprès des consommateurs, dialoguer avec les communes pour les aspects pratiques et financiers, explorer d’autres pistes pour les personnes ne disposant pas de smartphones, examiner avec les petits producteurs et les importateurs des solutions pratiques pour l’apposition du code unique sur les emballages, etc.

Nous ne cachons pas qu’il y a encore beaucoup à faire. Avec Fost Plus, Comeos et les entreprises du secteur, les moyens sont mis sur la table pour progresser rapidement. Pour y parvenir, nous avons besoin des autorités, et pas seulement de la Flandre, mais aussi des trois Régions. Pour qu’un système de consigne pour les bouteilles à usage unique fonctionne, il doit être encadré par les autorités. C’est donc une excellente chose que le Gouvernement flamand ait demandé le 23 décembre dernier à la ministre Demir de s’entretenir avec les deux autres Régions sur le sujet. Nous souhaitons que ces discussions aboutissent le plus rapidement possible et qu’un cadre législatif interrégional clair soit mis au point. La ministre Demir peut compter sur nous pour l’aider dans sa tâche.

Trouver un accord avec les deux autres Régions est une étape nécessaire, mais le niveau fédéral lui aussi a un rôle à jouer. Faut-il en effet encore rappeler que le secteur paie chaque année une taxe emballage qui rapporte 340 000 000 euros au fédéral ? Eliminer cette taxe pour les entreprises qui devront investir dans le système de consigne digital est une évidence pour nous. Nous pourrons ainsi parler d’une véritable taxe environnementale.

Pour un système de consigne performant, tous les acteurs doivent travailler ensemble. Notre porte est dès lors ouverte à toute organisation qui souhaite collaborer positivement pour continuer sur la voie de la consigne digitale. Elle l’est également pour toute organisation qui souhaite relever le défi de faire évoluer notre proposition et développer un système encore plus performant. Ensemble, nous pouvons écrire l’avenir des systèmes de consigne.