À table avec… Piet Vanthemsche

06.05.2021

L’année dernière, les banques alimentaires ont offert près de 21 000 tonnes de vivres et 44 millions de repas aux plus vulnérables d’entre nous, grâce à un élan de solidarité et à de nombreux dons d’entreprises alimentaires. C’était bien nécessaire, car la demande alimentaire a fortement augmenté en 2020. Malheureusement, tout semble indiquer que cette demande ne fera que s’accentuer. Piet Vanthemsche, président de la Fédération belge des banques alimentaires, envisage toutefois l’avenir avec plein d’espoir. Il perçoit encore beaucoup de potentiel dans l'industrie alimentaire, non seulement pour lutter contre la faim, mais aussi pour remédier aux pertes alimentaires.


Bonjour Piet, par le passé, tu as occupé plusieurs fonctions dans la chaîne agroalimentaire. Pourquoi ton engagement auprès des banques alimentaires ?

« J’ai débuté ma carrière comme vétérinaire, ensuite j’ai travaillé au Ministère de l’Agriculture, à l’Agence alimentaire et au Boerenbond. En fait, je suis passé du statut de spécialiste à celui de généraliste, ce qui m'a permis d'acquérir une grande connaissance de la chaîne agroalimentaire. On pourrait dire qu'avec mon engagement actuel en tant que président de la fédération belge des banques alimentaires et du conseil d'administration, la boucle est bouclée.

Nous sommes tous bénévoles et ce que nous faisons, c’est donner en retour à la société, qui nous a tant apporté. Notre objectif est double : d'une part, lutter contre les conséquences de la pauvreté dans notre société et, d'autre part, contribuer à résoudre le problème du gaspillage alimentaire en donnant aux invendus une destination de grande qualité. » 

Que sont au juste les banques alimentaires et comment ont-elles vu le jour ?

« Le terme de banques alimentaires est en réalité un terme générique, également utilisé par des associations locales qui s’occupent de la distribution de vivres. Le concept lui-même est issu d’Amérique du Nord où la charity joue un rôle très important de filet de sécurité dans la société. Les banques alimentaires existent depuis trente ans en Belgique. 

Nos 9 banques alimentaires sont réparties dans tout le pays, avec en moyenne une banque par province. La fédération est en quelque sorte le back-office des associations locales. La fédération elle-même n'est pas en contact direct avec les bénéficiaires, mais par le biais d'associations caritatives locales reconnues par les banques alimentaires. » 

Comment cela fonctionne-t-il dans la pratique ?

« La fédération collecte des fonds et des vivres pour les 9 banques alimentaires, qui sont un peu comparables à des centres logistiques. De là, les vivres sont ensuite distribués aux associations locales qui, à leur tour, mettent ces vivres à la disposition des personnes qui en ont besoin. 

Les banques alimentaires collaborent avec quelque 630 associations locales, actives sur le terrain. Le fait que tout le travail soit réalisé par des bénévoles est tout à fait remarquable. J'ai une grande admiration pour les nombreux bénévoles qui se dévouent jour après jour pour faire tourner nos banques alimentaires. »

Processus d'approvisionnement des banques alimentaires (Bron: Belgische Federatie van Voedselbanken)

Par qui les associations sont-elles approvisionnées ?

« Nous disposons d’un certain nombre de sources d’approvisionnement. Il existe un programme européen d'aide alimentaire, dans le cadre duquel les pouvoirs publics achètent des denrées alimentaires par le biais d'appels d'offres européens. Nous obtenons également des vivres de l’industrie alimentaire et du secteur de la distribution. Ce sont là nos trois sources principales.

La forte augmentation des dons l'année dernière s’explique, en partie, par l'accroissement du volume de marchandises provenant de l'industrie alimentaire, soit l'équivalent de 6 000 tonnes l’an passé. La part du secteur de la distribution a légèrement diminué en raison d'une forte baisse des excédents alimentaires durant la première vague du coronavirus, suite à la frénésie de stockage. »

Les dons doivent-ils répondre à certains critères ?

« Nous concluons une charte avec les associations afin de garantir que l’approvisionnement réponde aux exigences de qualité nécessaires. Nous accordons une grande attention à la sécurité alimentaire. Les produits alimentaires que nous offrons ont un degré de sécurité et de qualité équivalent à ceux que vous achetez dans le commerce.  Il est également important que l’offre soit suffisamment diversifiée. L'aide alimentaire est un aspect, mais nous veillons à ce que les associations prennent également à cœur d'autres aspects de la réduction de la pauvreté. »

Qui a besoin d'aide alimentaire, y a-t-il un profil particulier ?

« Il s'agit souvent de familles mono-parentales et de personnes qui se retrouvent en situation de pauvreté, en raison d'une maladie, d'un coup dur ou d'un divorce, par exemple. C'est pourquoi il est non seulement essentiel d'offrir une aide alimentaire, mais aussi d'aider les gens à se réinsérer dans la société. Nous veillons à ce que les vivres arrivent, en toute sécurité, au bon endroit, et à ce qu'il n'y ait pas d'abus. En ce qui concerne les autres aspects de la lutte contre la pauvreté, nous faisons appel à nos partenaires. »

L'année marquée par le coronavirus a certainement eu un accent particulier pour les banques alimentaires ?

« Le coronavirus a incontestablement eu un impact. En 2020, la demande d’aide alimentaire a augmenté de 15 %, une hausse significative. Nous observons également de nouveaux groupes. De nombreux étudiants, par exemple, qui paient une partie de leurs études grâce à un job dans l’horeca, ont vu leurs revenus disparaître suite au coronavirus. C’est ainsi que nous voyons tout à coup des jeunes frapper à la porte des banques alimentaires. »

La demande d’aide alimentaire va-t-elle continuer à augmenter cette année ?

« Toute la question est de savoir si nous allons ressentir cet impact à plus long terme, car les répercussions du Covid vont seulement arriver. Quel sera l'impact sur l’emploi, sur les revenus de la population ? L'an passé, nous avons dû acheter des vivres nous-mêmes et nous devrons certainement continuer à le faire cette année. Actuellement, la demande est supérieure à l'offre. Les pouvoirs publics combleront une partie, mais le potentiel de l'industrie alimentaire est bien plus grand. »

Pourquoi l’industrie alimentaire ?

« Collaborer avec l’industrie alimentaire est très important. Plus d'un quart de nos dons proviennent d'entreprises alimentaires, avec en moyenne 5 000 tonnes de vivres par an. Plus nous pourrons obtenir des surplus des entreprises alimentaires, mieux nous pourrons répondre à la demande croissante. » 

Que peux-tu nous dire sur les produits offerts par l’industrie alimentaire ?

« Il existe différents types de dons. Certaines entreprises alimentaires font simplement des dons, tandis que d'autres proposent des surplus de produits de qualité aux banques alimentaires. Le fonctionnement régulier des banques alimentaires est assuré lorsqu’elles misent principalement sur les excédents des entreprises alimentaires, qui pour diverses raisons commerciales, ne sont pas vendus : date de péremption proche, produits par lots invendus... 

Les dons provenant de l’industrie alimentaire sont très variés. Principalement des fruits et légumes, suivis des produits céréaliers tels que le pain, les produits à base de pommes de terre, les céréales pour petit-déjeuner et les produits laitiers. L’offre de poisson et de viande est plutôt limitée. Néanmoins, nous essayons d'avoir une offre aussi diversifiée et équilibrée que possible. »

Gamme totale de produits des banques alimentaires (Rapport annuel 2020 - Fédération belge des banques alimentaires)

Observes-tu de nouvelles tendances particulières en matière d’offre ?

« Auparavant, il s'agissait surtout de colis alimentaires pour lesquels le bénéficiaire ne pouvait pas choisir les produits. Aujourd'hui, les organisations sont approvisionnées de manière plus ciblée et les bénéficiaires ont une plus grande liberté de choix. Citons, par exemple, les personnes souffrant d’allergies ou les communautés religieuses qui ont des habitudes alimentaires particulières. L’offre est également plus équilibrée. »

Quels sont les avantages pour les entreprises alimentaires qui (souhaitent faire) font des dons ?

« Ces entreprises bénéficient d’avantages fiscaux, mais ce qui prime avant tout, ce sont les efforts déployés par les entreprises pour contribuer à la lutte contre les pertes alimentaires du secteur, parallèlement bien sûr à la lutte contre la pauvreté. Pas moins de 12 653 tonnes, soit près de 60 % du total des vivres distribués, étaient des invendus alimentaires que nous avons pu valoriser, en évitant ainsi les pertes alimentaires. 

Toutefois, il y a encore des entreprises qui ne sont pas suffisamment au courant des opportunités. C’est la raison pour laquelle, en collaboration avec Fevia, nous souhaitons sensibiliser et informer au mieux l’ensemble des entreprises alimentaires sur les possibilités qu’offrent les banques alimentaires. »

Comment souhaitez-vous procéder concrètement ?

« Nous allons bientôt signer une charte avec Fevia dans laquelle nous nous engageons à encourager activement les entreprises alimentaires à offrir, de manière durable aux banques alimentaires, des produits de qualité qui restent invendus pour diverses raisons commerciales. »             

Pour en savoir plus sur la signature de la charte, lisez notre article ici

Pour terminer, comment vois-tu l’avenir ?

« Nous fonctionnons entièrement grâce aux bénévoles, il est donc essentiel de pouvoir perpétuer ce mode de fonctionnement. Nous nous posons aussi des questions sur l’aide alimentaire européenne et sur l’évolution des budgets de l’Union européenne. Nous souhaitons aussi nous tourner vers une collaboration avec de nouveaux partenaires, afin de pouvoir davantage nous concentrer sur la réduction des pertes alimentaires. Nous pouvons encore progresser à ce niveau. Nous sommes dès lors impatients de renforcer notre collaboration avec l'industrie alimentaire à l'avenir. »

En tant qu’entreprise alimentaire, souhaitez-vous faire des dons aux banques alimentaires ? Prenez contact avec Etienne Rubens de la Fédération belge des banques alimentaires :

En savoir plus ? Rendez-vous sur www.foodbanks.be

Ketenroadmap Voedselverlies
Dans le cadre du Ketenroadmap Voedselverlies (feuille de route pour lutter contre les pertes alimentaires), le gouvernement flamand et la chaîne alimentaire (Boerenbond, Fevia Vlaanderen, Comeos Vlaanderen, Horeca Vlaanderen et UBC) ont entrepris un certain nombre d'actions pour réduire les pertes alimentaires en Flandre. L'industrie alimentaire a notamment diffusé des conseils, développé des projets d'innovation, mis en avant différents exemples d’actions pour lutter contre les pertes alimentaires et encouragé les dons d’excédents alimentaires. Le rapport final montre que les dons du secteur alimentaire sont en nette augmentation. Le 23 avril dernier, le gouvernement flamand a approuvé un nouveau plan d’action relatif aux pertes alimentaires et aux flux de biomasse (résiduelle) pour la période 2021-2025. En ce qui concerne le volet alimentaire, ce plan d’action fait suite à la Feuille de route « Pertes alimentaires » 2015-2020. Avec l’ensemble des acteurs concernés, les partenaires souhaitent contribuer à l’avenir circulaire des pertes alimentaires et de la biomasse. Vous souhaitez en savoir plus ? Cliquez ici