"Digitalisation et emplois vont de pair dans l'industrie alimentaire"

24.03.2022

Les entreprises alimentaires sont en pleine évolution digitale et ces changements ont un impact sur leur organisation et les emplois. Le défi consiste à recourir à la digitalisation pour soutenir les travailleurs dans ce processus. « Parallèlement, vous rendez les emplois plus attrayants et vous pouvez trouver et garder les talents dont vous avez besoin. » Nous nous sommes entretenus avec Lieven Eeckelaert de Workitects qui, à la demande d’Alimento, le fonds de formation du secteur, et en collaboration avec son pôle d’innovation Flanders’ FOOD, aide les entreprises alimentaires à préparer leurs food heroes pour l’avenir. 

Lieven, quel impact la digitalisation a-t-elle sur le lieu de travail dans les entreprises alimentaires ?

« La digitalisation est présente à différents niveaux. Le travail d'un opérateur change et devient, par exemple, moins exécutif. Mais la transformation digitale peut également aller beaucoup plus loin, de la communication entre les personnes et départements au planning de la production. Les changements interviennent aussi hors de l'usine. Les entreprises alimentaires travaillent avec des partenaires au sein d'une chaîne. Le défi est d’arriver à ce que les gens puissent mieux collaborer dans un environnement en mutation, ‘du champ à l’assiette’. 

La digitalisation n’est cependant pas une fin en soi. Nous devons tous prendre le train en marche, mais il est important que la digitalisation soutienne le fonctionnement de l'organisation et les emplois des travailleurs. Les entreprises doivent trouver des solutions pour soutenir leurs travailleurs afin de rendre leur travail faisable. »

Quelles solutions digitales s'offrent aux entreprises ?

« Elles peuvent, par exemple, donner aux opérateurs des instructions de travail numériques qu’ils scannent avec leur tablette ou smartphone via des QR codes sur une ligne de production. D'autres possibilités sont les check-lists numériques, les dashboards, les vidéos ou même les formations en réalité virtuelle pour apprendre à utiliser de nouvelles machines. 

Sur le lieu de travail également, nous recherchons de plus en plus de solutions pour aider les gens à communiquer, par exemple, dans des environnements bruyants. Il existe des casques pour réduire le bruit, équipés d'une fonction talkie-walkie. Un autre type de casque est le casque à ‘conduction osseuse’, avec lequel la communication passe par les vibrations du crâne, laissant ainsi vos oreilles libres. 

Il existe également des systèmes de planification intelligents. Mais les travailleurs sur le terrain doivent avoir leur mot à dire. Dans les petites entreprises, en particulier, il est important que les opérateurs contribuent à la réflexion sur le processus de planification et qu'ils disposent de la marge de manœuvre nécessaire pour ce faire. »

Dans cette vidéo de la série Z-Food de Kanaal Z, Anke Grooten, Social Affairs Director chez Fevia, explique comment digitalisation et emplois vont de pair dans le secteur alimentaire.

L’être humain reste donc indispensable ?

« Tout à fait, la digitalisation ne va pas tout résoudre. Il est important que les gens disposent de la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux situations changeantes et aux perturbations. Les gens doivent être capables de travailler en équipe, de bien interagir les uns avec les autres et posséder les bonnes compétences. L'autonomie joue ici un rôle essentiel.

En termes de planification, par exemple, il peut être pertinent de donner aux gens l’autonomie dont ils ont besoin pour prendre eux-mêmes des décisions. C’est une question d'organisation du travail et de davantage de responsabilité sur le lieu de travail. »

Découvrez dans ce "food.be snacks" comment Danone soutient ses équipes sur le site de production de Rotselaar en leur laissant de l'autonomie dans la planification de leur travail et en leur fournissant les outils numériques les plus récents

 

Comment un opérateur peut-il gagner en autonomie ?

« En lui confiant plus de responsabilités pour effectuer d’autres tâches. Par exemple, en l'impliquant dans le contrôle de la qualité, qui relevait auparavant du département qualité et du technicien de laboratoire. Pour cela, il est bien sûr nécessaire de former vos opérateurs en leur apprenant, par exemple, à prélever des échantillons et à effectuer des tests.

Ce gain d’autonomie peut aussi être envisagé pour la maintenance technique. Les techniciens sont des experts qui ont un grand savoir-faire, mais les opérateurs qui connaissent bien leurs machines ou leurs lignes peuvent aussi être formés pour effectuer eux-mêmes certaines opérations techniques. De cette manière, ils peuvent intervenir plus rapidement en cas de problème, au lieu d'attendre un technicien.  Grâce à des ‘smart glass’, ou lunettes intelligentes, un opérateur peut, par exemple, communiquer avec un technicien qui l'aide à distance à inspecter une ligne de production. Attention, il ne s’agit pas uniquement de confier des tâches supplémentaires aux travailleurs, mais de voir comment donner un contenu différent et plus significatif à une fonction. »

Les formations sont-elles dès lors incontournables ?

« Il ne s’agit pas seulement de formations, mais également d’apprentissage sur le terrain. L'apprentissage par la pratique est au moins aussi important qu’une formation. En donnant aux gens la possibilité de contribuer à la qualité, de participer à la maintenance technique et à la planification, etc., ils apprennent et évoluent dans leur fonction. Leur travail prend ainsi plus de sens que des tâches purement exécutives. Les opérateurs ont davantage le sentiment de contribuer au processus de production.

En adaptant l'organisation du travail, en accordant l'autonomie adéquate aux travailleurs, en investissant dans la digitalisation pour soutenir vos collaborateurs sur le lieu de travail, vous rendez également les emplois plus attrayants et vous apportez une réponse à la pénurie sur le marché du travail. »

Vous souhaitez en savoir plus sur la façon d’utiliser les technologies numériques pour attirer et retenir de nouveaux talents ? Karl Boumans de Flanders'FOOD et Frank De Craecker de Workitects vous donneront de précieux conseils lors de l’événement Food Forward le 27 avril. Inscrivez-vous ici

Comment aidez-vous les entreprises alimentaires à adapter leur organisation ?

« Epinglons, par exemple, le projet ‘Operator 4.0’ sous la houlette de Flanders’ FOOD. En collaboration avec divers partenaires, nous discutons avec les entreprises alimentaires de leurs défis et ambitions en matière de digitalisation. Nous leur donnons des conseils sur les solutions possibles et recommandons des partenaires techniques. Au moyen d'un « démonstrateur mobile », nous présentons aux entreprises de nombreux outils de soutien aux opérateurs, afin de les inspirer pour l'avenir. Notre rôle consiste à accorder suffisamment d'attention à la faisabilité du travail et aux formations disponibles par l'intermédiaire d’Alimento.

Citons également le projet ‘WIDE’ – Workplace Innovation in a Digital Environment. Dans ce cadre, nous accompagnerons un certain nombre d’entreprises alimentaires qui mettent actuellement en œuvre des technologies numériques.

Nous offrons également un soutien du côté wallon. Nous organisons notamment des labs d’innovation. Un lab d’innovation est composé de quatre sessions, au cours desquelles nous réunissons des chefs d'entreprise, des managers de production et responsables RH de différentes entreprises, et nous leur donnons des idées et des exemples pour adapter leur organisation. »

Comment les opérateurs vivent-ils les changements que les entreprises mettent en œuvre ?

« Notre précédent projet WIFI2020 sur l’organisation innovante du travail nous a permis de faire un certain nombre d'observations positives dans les entreprises qui ont mis en place des changements. Nous avons, par exemple, constaté que le fait d’accorder l'autonomie adéquate aux travailleurs se traduisait par un plus grand enthousiasme et davantage de motivation. Si les gens ont un impact sur la planification, cela a un effet positif sur le stress et la fatigue, et réduit la charge de travail. La coopération interpersonnelle a également pu être améliorée, avec des effets bénéfiques aussi bien sur le plan émotionnel que sur celui de la connaissance et de l'information, car les gens pouvaient s’entraider. » 

Dans le livre « Samen op smaak gebracht », découvrez comment Libeert, Vandemoortele et Délinio, entre autres, se sont lancés dans le travail faisable

Pour terminer, quels conseils souhaitez-vous encore donner aux entreprises alimentaires ?

« Votre vision en tant qu'organisation est essentielle. Il est important de définir ce qui est important pour votre entreprise et comment vous voyez votre organisation et votre opérateur du futur. Si vous parvenez à traduire votre vision sur le lieu de travail, les gens s'y reconnaîtront, se sentiront impliqués et vous deviendrez plus attractif en tant qu'employeur. Vous pouvez prolonger cette démarche aux périodes d’évaluation, lorsque vous avez un entretien d’évaluation avec un collaborateur ou en équipe. Par ailleurs, les gens sont devenus plus critiques et plus exigeants et le temps est également important pour eux. Si vous arrivez à mettre en place une organisation flexible, c’est un plus ! »

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