Cécile Broens (Delacre) : « Investir dans les formations est extrêmement important »

09.09.2021

De nombreuses entreprises alimentaires digitalisent et robotisent leurs usines à un rythme soutenu et mettent en place des nouvelles lignes de production, ce qui exige de plus en plus de compétences techniques. Si on ajoute à cela que toute une génération de « papy et mamy boomers » prend sa retraite, on comprend bien que le secteur est confronté à de grands défis pour attirer des talents et les former. Cette situation est celle de multiples entreprises alimentaires belges, dont le célèbre fabricant de biscuits et « Fournisseur de la Cour » Delacre qui s’engage pleinement dans la formation. 

Digitalisation des boîtes à biscuits

Delacre est célèbre pour sa boîte de biscuits royale verte et est maintenant aussi mondialement connue pour ses savoureux biscuits, dont les emblématiques Cigarettes Russes, les Biarritz et les Marquisettes. Quel est le secret d’un tel succès ? Le travail de Food Heroes passionnés qui font tourner l’entreprise familiale depuis 1975.

Aujourd’hui, l’entreprise investit massivement dans l’automatisation et la digitalisation des lignes d’emballage afin d’accroître encore plus sa production. La main d’œuvre de l’époque travaille davantage avec des robots et doit dès lors aussi apprendre à travailler à l’aide de ces nouvelles technologies.

« L’usine de Lambermont existe depuis 46 ans et connaît une faible rotation du personnel, mais les employés d’autrefois vont bientôt prendre leur retraite bien méritée », explique Cécile Broens, HR Manager, qui travaille depuis 28 ans chez Delacre. « Face à ce "papy-mamy boom” pour reprendre les termes de Cécile, il faut former les gens ».

Formation, formation, formation

Pour faire tourner la nouvelle production et fournir ses délicieux biscuits à tout le monde, Delacre met tout en œuvre pour attirer de nouveaux travailleurs et former ceux en fonction. Ceci, en collaboration avec plusieurs partenaires, dont le Centre de compétence Forem FormAlim Verviers et Alimento, le Fonds de formation du secteur alimentaire.

« Dans notre culture d’entreprise, l’investissement dans les formations est primordial, tant pour notre personnel que pour les intérimaires. Avant de participer au processus de sélection, les intérimaires doivent réussir un e-learning axé sur les règles d’hygiène, la sécurité au travail et la présentation de certains postes de travail. Tous les ouvriers passent par ce processus. Une fois qu’ils ont réussi ce programme, Formalim va alors également les former, par exemple en dextérité. Nous formons beaucoup les personnes en interne, en doublure sur poste de travail dans le packaging et au process. Chaque année Delacre fait le bilan de ses besoins en main d’œuvre et, sans surprise, elle fait face à un manque de travailleurs qualifiés. »

Besoin de main d’œuvre qualifiée

 « Les postes que nous recherchons principalement sont les conducteurs de ligne. Malheureusement très peu de demandeurs d’emploi suivent cette formation. Ces profils, tout le monde se les arrache » déclare Cécile. « Une autre formation que nous privilégions c’est la formation d’opérateurs de ligne, pour devenir machiniste d’emballage. Pour cette formation, je trouve qu’il y a encore beaucoup de potentiel pour améliorer les connaissances techniques ».

« Nous investissons également énormément dans la formation de nos travailleurs pour pouvoir utiliser les nouveaux outils digitaux et les robots. Nous avons mis aussi en place du coaching en interne en management et leadership », précise Cécile. Selon ses besoins, l’entreprise mise aussi sur le « upgrading » technique, basé sur la connaissance ou le vocabulaire des pièces mécaniques. Par exemple, l’amélioration de la communication entre les travailleurs du manufacturing et les personnes de la maintenance qui va permettre d’améliorer la performance sur les nouvelles machines d’emballage.

Le travail est une valeur

Delacre est sans aucun doute une véritable pionnière dans la formation de ses travailleurs. Elle a d’ailleurs mis en place depuis une dizaine d’années déjà la validation des compétences de ses travailleurs. Le niveau de compétences dans le secteur s’accroît et on a donc besoin de plus en plus de gens avec des connaissances techniques et technologiques.

« Avant on engageait des boulangers, aujourd’hui on engage des gens de tous horizons. On a besoin de gens techniques, mais qui ont aussi une connaissance des matières premières. La formation de conducteurs de ligne aborde aussi cet aspect-là. Il faut évoluer avec le temps et rester dynamique.  Nous devons faire prendre conscience aux gens que le travail c’est une valeur et qu’il est possible de faire carrière dans l’industrie alimentaire. Je voudrais rappeler que notre secteur a été crucial et essentiel pendant la crise sanitaire, preuve que c’est un secteur important pour tout le monde. »

Un peu d’histoire...
Delacre a été créée par Charles Delacre. En 1872, il ouvre la première usine où il commence à produire du chocolat. En 1979, Delacre devient le fournisseur de la famille royale belge. L’idée de se lancer dans la fabrication de biscuits uniques fait alors son chemin et, en 1891, le premier biscuit est commercialisé sous le nom de « Pacha Delacre ». Son fils Pierre Delacre va véritablement développer la production de biscuits. Aujourd'hui, les biscuits Delacre sont fabriqués en France (Nieppe) et en Belgique (Lambermont) et sont distribués dans une dizaine de pays.

Focus sur STEM (acronyme de « Science, Technology, Engineering and Mathematics »)

La situation de Delacre est celle de nombreuses entreprises du secteur. « La pénurie sur le marché du travail est énorme. Notre secteur se digitalise et se robotise, et le travail manuel disparaît petit à petit pour être remplacé par des emplois qui requièrent des compétences techniques. Ceci entraîne un changement dans nos entreprises depuis quelque temps déjà », explique Anke Grooten, Social Affairs Director chez Fevia et Vice-présidente chez Alimento.

Un changement dans lequel Fevia veut soutenir les entreprises. « Nous nous concentrons sur l’augmentation du nombre d’étudiants dans les filières STEM et sur la qualité de cet enseignement. Nous organisons également plusieurs visites d’entreprises et promouvons notre secteur avec la marque Food At Work. »

Par ailleurs, Fevia développe toujours ses partenariats avec le Forem et le VDAB. « Nous continuons à souligner l’importance des formations pour les demandeurs d’emploi dans les métiers en pénurie de notre secteur. De ce fait, nous encourageons certainement les centres de formation Formalim, Epicuris et le VDAB à donner ces formations de façon plus mobile et donc plus près du lieu de travail. »

Fonds de carrière sur mesure

Pour soutenir ses Food Heroes dans l’évolution des emplois, Fevia et les partenaires sociaux d’Alimento ont créé le fonds de carrière de l’industrie alimentaire.

« Grâce au fonds de carrière nous soutenons les employeurs et les employés du secteur tout au long de leur carrière afin de développer des emplois durables. Pour ce faire, nous prévoyons des budgets supplémentaires de maximum 2 500 € par employé consacré aux formations. Ceux-ci peuvent être utilisés à différents moments : en début de carrière, lors de l’évolution de l’emploi (grâce à des formations continues), mais aussi en fin de contrat dans une entreprise alimentaire. Le fonds offre également des conseils en matière de RH, une expertise, un accompagnement de carrière et une aide pour les frais de garde d’enfants. C’est de cette manière, qu’en tant que secteur, nous pourrons relever les défis de demain », conclue Anke.

Quel est le rôle des autorités ?
En tant que porte-parole de l’industrie alimentaire, Fevia demande à nos responsables politiques d’investir davantage dans les Food Heroes de demain en :
- Mettant l’accent sur des formations STEM dans l’enseignement et sur la formation en alternance afin que l’afflux de travailleurs qualifiés augmente.
- Mettant l'accent sur les formations axées sur les métiers en pénurie du secteur (via le VDAB, le Forem, Actiris et les centres de compétence).
- Travaillant à un cadre juridique simple et tourné vers l’avenir pour les parcours d’accès et de transition qui guident les travailleurs et les demandeurs d’emploi vers les possibilités d’emploi dans l’industrie alimentaire.